"We came here to rob them and that's what we're gonna do - beat their heads in, ...

... gouge their eyes out, cut their throats. Soon as we wash the dishes."


Sur le papier cette comédie un peu forcée et surannée a tout pour me déplaire : Michael Curtiz sur la fin de sa carrière assez éloigné des grands moments de sa filmographie, Humphrey Bogart sur la fin de sa vie qui semble tout de même bien en peine quand il s'agit d'esquisser un sourire, ces décors en carton-pâte pour figurer une Île du Diable guyanaise qui sent le studio à chaque coin de rue, et surtout cette ambiance de théâtre filmé pendant l'essentiel du film qui cantonne l'action aux événements à l'intérieur d'une boutique. Et pourtant... Sans aller jusqu'à crier au génie, We're no Angels est sans doute ce qui se fait de plus correct dans le cadre fixé par les limites de l'exercice.


On est toujours à la frontière entre la comédie noire, avec ses côtés réussis, et la comédie vieillotte, avec ses spécificités très raides. Si l'introduction fleure la naphtaline à plein nez avec la présentation des trois bagnards (costumes, décors, actions), il se trouve que le trio Humphrey Bogart / Peter Ustinov / Aldo Ray parvient peu à peu à trouver une certaine forme d'équilibre à partir du moment où les trois trouvent refuge, dans leur évasion, au sein d'une famille de commerçants. Il faut être capable d'accepter une grosse dose de naïveté dans la description de cette famille (le père est particulièrement gratiné, la limite entre gentil et idiot n'est pas toujours claire), mais peu à peu se développe une relation de confiance incongrue : en échange de petits services rendus, les évadés finissent par être totalement acceptés.


Il survient alors un renversement de perspective, quand les trois squatteurs font office de catalyseur pour la famille qui semble enfermée dans sa maison-boutique. À mi-chemin entre les bras cassés et les anges-gardiens (aspect souligné lourdement par les auréoles du plan final), ils vont se prendre au jeu et aider la maisonnée à s'émanciper — principalement la fille, qui a du mal avec sa conduite sentimentale, et le père, sous le joug du cousin propriétaire aristocrate particulièrement crispant. On peut le dire, tout ne brille pas par sa fluidité, et les zones périlleuses sont nombreuses : Ustinov qui nous montre 15 fois ses talents d'ouvreur de serrures avec la même emphase, Ray et ses manières excessives, Bogart en cerveau de la bande... Tout cela est malgré tout bien figé.


L'humour noir permet cependant de diluer un peu la prévisibilité des péripéties principales et la répétition de la plupart des gags, notamment lorsqu'il s'agit de faire disparaître "accidentellement" des personnages pénibles et encombrants. Les dialogues jouent beaucoup sur la cohabitation de séquences brutales et douces / respectueuses, en jouant sur le paradoxe de ces malfrats pouvant faire preuve de beaucoup de respect : "We came here to rob them and that's what we're gonna do - beat their heads in, gouge their eyes out, cut their throats. Soon as we wash the dishes." C'est principalement sur ces aspects que le film parvient à redresser la barre.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Cuisine-des-anges-de-Michael-Curtiz-1955

Créée

le 12 juil. 2023

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Morrinson

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