Ceux qui étaient nos maitres sont maintenant nos serviteurs

Dès le générique, une caméra à l'épaule vigoureuse donne le ton du film. Ce sera celui de l'action, au plus près des personnages. Une notion d'urgence, de panique qui couve. On retrouve ainsi Armando et Caesar (Milo) 20 ans après la fin des "Evadés de la planète des singes".

Le point de départ du scénario s'inspire directement des émeutes raciales dramatiques qui ont ensanglanté l'Amérique en 1965. Déjà présent dans les opus précédents, le film va ouvertement se colorer politiquement dans le ton ainsi que sa mise en scène. La logique de comparaison entre le statut des singes représentés ici et la communauté afro-américaine se dessine petit à petit. Les singes travaillent comme porteurs, cireurs de chaussures, balayeurs, éboueurs... Tous les travaux manuels fatigants ou considérés comme dégradants par la race humaine leurs sont attribués.

D'une logique audacieuse, cela suggère le fascisme humain envers une race importée des multiples continents. Les costumes font penser à un état fasciste: le noir, le cuir, la couleur de l'oppression. Les chiens et les chats ayant été rayés de la terre suite à un virus, les singes ont pris la place d'animaux de compagnie jusqu'à être domestiqués pour les tâches que les humains ont rechigné à faire petit à petit. Thompson soigne les détails pour l'avilissement des singes: la peur du feu, les pourboires leurs sont attribués sous forme de raisin... Toute cette noirceur, à la fois visuelle et dans le ton, se trouve renforcée par son opposition au rouge des costumes des gorilles.

Tout se précise lorsqu' Armando assiste au tabassage d'un singe, signe ultime que tout est en train de dérailler. Un nouveau pas est franchi lors de la vente publique de Caesar, rappelant là aussi les marchés aux esclaves d'antan. Le personnage de McDonald fait d'ailleurs ouvertement référence à l'esclavage. Le fait qu'il soit noir n'est pas le fruit du hasard. Le film donne aussi dans l'ambiguité de son rôle d'aide du commandant Beck, responsable de la battue afin de trouver Caesar et sa volonté d'éradiquer toute éventuelle trace de conscience animale.

Viennent ensuite les décors intérieurs, qui trouvent un écho dramatique dans la salle de conditionnement des singes, véritable lieu de torture moderne. Tout ceci tient de l'inquisition et d'une société en voie de fascisme. La scène très dure où Caesar est interrogé ravive les heures les plus noires de l'obscurantisme. Comme une bombe à retardement qui insiste sur tous les éléments prévisibles qui vont mener à la seule solution: la révolte par la force.

Les dernières vingt minutes marquent un crescendo de violence inédit dans la saga. La vengeance simiesque, implacable, totale, se soldera par un discours survolté d'un Caesar en pleine possession du pouvoir de renverser l'humain par la force. Il s'agit ici d'un renversement de tendance, le singe n'étant plus victime d'oppression.

"La Conquête de la planète des singes" met un point final à la chute de la suprématie de l'homme. Le film s'achève sur un avertissement: l'homme ne règnera plus sur la Terre et devra être partenaire des singes. Ce qui annonce, bien sûr, le cinquième opus "La Bataille de la planète des singes".
Lorelei3
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le 16 sept. 2011

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