Il était une fois un petit garçon et sa mère qui visitaient une cathédrale. Intrigué par les vitraux, il demande :
- Maman, qu'est ce que c'est ça ?
- Eh bien ça, mon chéri, c'est Saint Benoit.
- Ah oui ? Et là alors ?
- Là, c'est Saint Jérôme. Et là ? Sainte Gertrude..." etc etc.
Le lendemain à l'école, cours d'Histoire. La maîtresse parle de Ste Jeanne d'Arc. L'un des élèves l'interroge : "Madame, pourquoi on dit "Sainte" Jeanne d'Arc ?"
Un peu embêtée, la maîtresse renvoie la question aux autres élèves : savez-vous ce qu'est un saint ?
Le petit garçon, sûr de lui, lève la main pour répondre : "Moi je sais, M'dame. Un Saint, c'est celui qui laisse passer la lumière."


J'aime beaucoup cette définition du Saint donnée par le philosophe Martin Steffens, qui je crois emprunte cette anecdote à Simone Weil. Le Saint est celui qui laisse au maximum la Lumière -Dieu- agir au travers de lui. Non pas comme une vitre, qui en serait intégralement transpercée, mais comme un vitrail qui, laissant passer la Lumière, la colore de sa singularité. Ainsi donc, la Lumière le traversant, il est paradoxalement lui-même, plus que jamais.


A fortiori, je pense que cette définition s'applique tout particulièrement au prêtre. Le film "Stalker" de Tarkovski en fait aussi une analogie claire : le protagoniste principal du film, le guide, se définit comme un passeur, rien de plus. Un passeur vers Dieu.


"La Confession" traite superbement du sujet : le film raconte la conversion de Barny, communiste athée, au contact du séduisant nouveau prêtre de la paroisse (excellent Romain Duris !). Mais la limite n'est pas claire : est-ce Dieu qui convertit, ou bien le prêtre ?


Attention, à partir de là, ça spoile :


Durant la première moitié du film, les débats entre les deux protagonistes sont essentiellement d'ordre intellectuel. L'existence de Dieu, la foi et la liberté, etc... Pourtant, lorsque Barny annonce son intention d'être baptisée, elle semble avoir bien compris que cela n'implique pas seulement d'avoir des valeurs de solidarité et de don aux autres ("pour ça, le communisme vous suffit" répond le prêtre), mais qu'il s'agit d'abord d'une rencontre personnelle avec Dieu, une volonté de Le suivre. Pas seulement des actes ou des vertus, donc, mais une ouverture à la transcendance, à plus grand que soi.


Mais la suite démontre le contraire, en partie par la faute du Père Morin, qui multiplie les rencontres avec cette femme qui le trouble. On ne sait exactement si c'est par maladresse ou manque d'humilité, toujours est-il qu'il perd alors son rôle de passeur : le vitrail, en partie, est obstrué.


Belle, exigeante et mystérieuse vocation du prêtre...


La fin du film m'interroge encore. Le Père Morin demande sa mutation vers un autre diocèse, et croise une dernière fois Barny. A sa question "si vous n'aviez pas été prêtre, m'auriez vous épousée ?", il répond oui.
Est-ce juste et honnête de répondre cela ? Certes, le prêtre fait vœu de chasteté, afin de garder un cœur totalement disponible au monde, ce qui n'exclut évidemment pas la tentation. Mais n'est-ce pas une façon de déposer son poids sur elle avant de partir ?


Là encore, mystère...

Wlade
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le 11 janv. 2018

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Wlade

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