"Vous n'auriez pas vu un ivrogne chauve et frileux qui n'aime pas le cassoulet ?"

On pourrait résumer (c’est quand même très tentant) ce film de Jean-Pierre Mocky à une enquête policière éminemment foutraque, située au fin fond du Cantal (à Salers en l'occurrence) et menée par Bourvil à la recherche d'un faussaire ivrogne chauve et frileux qui n'aime pas le cassoulet. La dimension loufoque du film apparaît ainsi clairement, et la galerie de personnages tous plus fous et bizarres les uns que les autres est sur la même longueur d'onde : Jean Poiret et Francis Blanche, à commencer par eux, composent respectivement des rôles de brigadier aux tics prononcés et de voyeur commentant tout ce qu'il voit à un mannequin en plastique particulièrement gratinés. Mais il n'y a pas vraiment de stars mise en avant, c'est vraiment de l'ordre du cirque généralisé, de l'arrière-plan totalement fou et détraqué garni par un groupe homogène dans sa folie.


Il est assez étonnant de voir Mocky à l'origine d'un film aussi propre, sur le plan formel, bien loin de tout ce qu'il fera plus tard à partir des années 70/80 — il faut en ce sens remercier le chef op Eugen Schüfftan. Mais la rigueur ne s'étend bien sûr pas au fond, complètement barjot (et potentiellement lassant pour cette raison si on ne se prend pas au jeu), avec cet inspecteur Triquet qui recherche Mickey le Benedictin, un suspect identifié sur la base d'informations ubuesques (ivrogne, chauve, frileux, cassoulet, etc.) dans un cadre auvergnat nocturne très étrange. Au milieu de tout ça, la présence d'une bête mystérieuse surnommée la bargeasque inquiète les habitants. Et on a droit à une scène d'exécution ratée, au cours de laquelle la guillotine tombera sur la mauvaise tête. L'humour et le macabre s'alignent de manière vraiment très bizarre dans cette farce grotesque et désopilante.


Dans la veine anar avec Bourvil, déjà, Un drôle de paroissien sorti deux ans avant en 1962 était beaucoup plus maîtrisé, mais ne jouait pas du tout dans cette catégorie de pot-pourri absurde et surréaliste. Ici, c'est un gros bordel qui domine du début à la fin, un chaos que Mocky se plaît à amplifier avec constance jusqu'à l'ultime gag absurde.


http://je-mattarde.com/index.php?post/La-Cite-de-l-indicible-peur-de-Jean-Pierre-Mocky-1964

Morrinson
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le 4 déc. 2020

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Morrinson

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