Trois trappeurs se font tout prendre par des Indiens poussés à bout par la présence d'un nouveau fort de cavalerie tout proche. Malgré les avertissements du plus expérimenté, Gus, ils décident de se faire engager par ledit fort pour 25 dollars par mois. La civilisation fait son effet sur Jed (Mature), et avec elle viennent les dilemmes moraux...


Jed tombe amoureux de Corinna, la femme du colonel Marston, chargé de rejoindre et rebâtir un fort de l'autre côté du territoire indien. Marston, que l'on pense mort, refait surface avec sa troupe et prend la direction du fort. C'est un homme rongé par la haine des Indiens, depuis une initiative malheureuse à Shilo qui l'a fait surnommer "le boucher". Il s'obstine à vouloir aller attaquer les Indiens avec les hommes inexpérimentés du fort. L'officier en charge, le capitaine Riordan, un officier humain mais droit, se résigne à cette nouvelle poigne de fer. Marston part dans une mission d'éclaireur avec Jeb, qui le laisse coincé dans une fosse à ours, à la fois pour être débarrassé d'un rival, et pour éviter la boucherie annoncée. Mais de retour au camp, Jeb se heurte au mépris du capitaine et de Corinna : il retourne délivrer Marston, qui n'abandonne pas pour autant ses plans, au contraire. Le fort subit un premier assaut, au cours duquel Jeb, ivre, se rue au milieu des Indiens en cherchant la mort, sans la trouver. Marston machine sa condamnation à mort en le poussant à tuer un officier, mais Jeb s'enfuit. Marston lance ensuite sa grande offensive, qui tourne, comme prévu, à la boucherie. Gus meurt, Mungo repart dans les forêts, écoeurés, et Jeb, qui sauve la troupe en la faisant faire retraite jusqu'au fort, gagne ses galons, et la fille.


Dès les premières minutes, le sujet du film est posé : c'est l'histoire de trappeurs illettrés, épris de liberté et de spontanéité, qui se font prendre peu à peu aux pièges de la civilisation : amour, orgueil, rivalité.... Le film n'est pas réductible au triangle amoureux Marston-Jeb-Corinna. Au fond, le trappeur et l'officier sont similaires : ils ont une même ambition, que le second cache mieux que le premier du fait de son éducation, et le prétendu happy ending n'en est pas un à mon sens. Les acteurs sont très bons : Mature garde cette énergie primale qui le rapproche d'un ours ; le personnage d'Anne Bancroft est merveilleux d'ambiguïté, puisque c'est elle qui pousse les deux hommes à la rivalité, sans avoir quelque prise sur les conséquences, et c'est à l'honneur de l'actrice d'adopter un jeu désincarné, sous lequel bout une passion mal cachée. Guy Madison est solaire dans le personnage du capitaine.


Au fond, c'est une thématique courante du western, mais aussi du cinéma américain des années 1950 en général : sous l'ordre social bout un chaudron de violence et de forces primales. Ici, c'est traité de manière quasi nietzschéenne. Oui je n'ai pas peur des mots : Jeb est une "belle brute brune", qui ne comprend pas les notions de renoncement propres au christianisme, et il va peu à peu entrer dans le carcan social, qui même s'il prend le visage souriant du capitaine Riordan, reste un carcan. Il se fait prendre par de menus pièges, comme d'être ému par une chanson des soldats évoquant leur foyer au loin. Par opposition, le monde des trappeurs est brutal, mais sans détour. Il n'est pour autant pas idéalisé car c'est un foyer d'ignorance.


Beaucoup de belles scènes. Mature qui s'amuse à surprendre des sentinelles pour leur expliquer qu'elles font mal la garde, c'est drôle. Outre les scènes-clés comme celle du piège à ours et les nombreuses confrontations, je retiens la séquence où Gus traverse une clairière probablement cernée d'Indiens et où on voit son cheval à travers les troncs des pins, n'entendant juste que le lent clopement des sabots...


La charge des tuniques bleues (quel titre français générique !) est un bon western qui réfléchit sur la civilisation sur fond de guerre indienne et de triangle amoureux dans un fort de cavalerie. Si son scénario offre peu de surprise, c'est qu'il accorde davantage d'importance aux dilemmes moraux. On retrouve, quoique de manière moins évidente que dans les plus grands films de Mann, l'opposition entre un monde non-civilisé âpre et un monde civilisé synonyme de corruption.


Ce n'est pas le plus grand des westerns de Mann, mais je le conseille, il est intéressant.

zardoz6704
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le 25 avr. 2016

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zardoz6704

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