"What if I kill your brother and you came for Badal, revenge? And I ask for Nanawateh? ...

... — Then I would be obligated to feed, clothe and protect you. — That's incredibly civilized."


La (première) guerre d'Afghanistan vue par une caméra américaine au travers de l'équipage d'un char soviétique à la fin des années 80, voilà qui constitue les prémices d'un film assez fou, bizarre, original, non dénué de gros défauts mais doté d'une consistance toute particulière a posteriori. Un film rare à plus d'un titre, à commencer par ce regard depuis une puissance impérialiste (les États-Unis) sur une autre puissance impérialiste (la Russie), critiquant ouvertement l'oppression d'une population afghane par des ennemis étrangers littéralement 15 ans avant qu'elle se lance dans le même schéma guerrier. C'est sidérant, d'un point de vue historico-cinématographique, et tout à tour drôle et tragique selon la perspective adoptée.


Bon personnellement je passe sur la dimension de film d'action, même si l'idée de faire le point focal sur un char russe perdu dans les plaines d'Afghanistan est séduisante en théorie. The Beast tombe dans le travers classique de ces films qui pensent qu'on peut estomper une caricature en produisant dans le même espace une caricature du camp opposé : non, ça n'en fait pas quelque chose de moins manichéen, mais plus simplement quelque chose de doublement manichéen (et ici en l'occurrence, les occurrences sont très abondantes). On pourra apprécier cela étant dit la volonté de montrer qu'il y a des "fous" et des "gentils" des deux côtés, chose sans doute surhumaine et impensable pour ce cinéma — songeons un instant à Rambo III sorti la même année... Mais tout de même : le cliché du commandant du tank dégénéré et sanguinaire, ça va 5 minutes.


Ce qui est très drôle, en revanche, c'est que la première séquence montre la destruction d'un village par une armée de chars, en explicitant toute l'horreur de la chose au moyen des dispositifs classiques du cinéma états-unien (explosions, meurtres, actes barbares, femmes en pleurs) : l'espace d'un instant, si l'on ne sait pas de quoi il s'agit, on pourrait croire que c'est un pamphlet du XXIe siècle contre l'invasion américaine... À la différence près qu'on montre ici des gens plus proches du commandant Massoud que du mollah Omar bien évidemment. Tout cela étant dit, les grossièretés du type "regarde mon gros canon phallique" et la débilité de la plupart des personnages ont globalement raison des qualités du film, à commencer par sa description sans concession de la violence de la guerre (avec par exemple écrasement d'homme sous les chenilles d'un char, ça ne laisse pas indifférent). La rébellion de l'intellectuel russe contre son char aurait pu aussi être un peu plus étoffée, et la scène finale à forte consonance christique (le héros hélitreuillé avec son long fusil-cadeau en croix) en fait un peu trop, au-delà de la photogénicité de la séquence.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Bete-de-guerre-de-Kevin-Reynolds-1988

Créée

le 13 mars 2023

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Morrinson

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