Tout de suite séduite par le scénario que nous proposait Nicolas Bedos, j'avais hâte de pouvoir découvrir ce petit retour dans le temps.... Mais il fut tardif j'en convient ...
D'abord Nicolas Bedos, je ne connaissais pas le réalisateur, seulement l'acteur, le dramaturge... Alors aucune attente particulière en visionnant son film. Pourtant j'entendais tout le monde cracher sur l'homme "imbus" qu'il pouvait être... (Mais séparer l'oeuvre de l'artiste ?, là est la question cinématographique de l'année...).
Bedos nous offre ici un merveilleux voyage dans le temps grâce à ce fabuleux scénario : la femme de Victor ne le supporte plus, il est devenu sinistre, "vieux", alors désabusé, elle le met à la porte, Antoine, un ami de son fils lui propose alors de revivre l'époque de son choix en mélangeant artifice théâtrale et reconstruction historique. Alors oui, dis comme ça on peut ne rien comprendre, mais le film n'est lui pas compliqué à comprendre, tout se démêle parfaitement.
La Belle Époque c'est enfaite la superposition de 2 histoires d'amour, toutes les 2 très fortes, passionnelles, mais sur le point de s'écrouler. Celle du sexagénaire qui va revivre l'enchantement de la 1ère rencontre, qui était pourtant resté figée dans sa mémoire, chaque détail, chaque parole, chaque geste ... ce tout qui avait crée autrefois en lui cette passion ardente (aucun jeu de mot avec Fanny), ce charme, cette étincelle.
Et puis il y a l'histoire fougueuse, violente de Antoine et Margot, se martyrisant à coup de "je t'aime, moi non plus", "suis moi, je te fuis"... marqué par confrontation dans l'oreillette, à travers l'histoire de Victor mais aussi par le voyeurisme.
Et si je devais me pencher sur l'histoire d'Antoine (Guillaume Canet) et Margot (Doria Tillier), cette histoire n'aurait pour moi pas lieu d'être. A travers son entreprise des "Voyageurs du temps", il ne cherche pas vraiment à reproduire une époque dans laquelle un autre individu voudrait se perdre, non il cherche à produire une séquence cinématographique (un halo lumineux sur Margot quand elle entre dans le café, rajouter une musique enfantine lorsque Margot tient un bébé dans ses bras parce que c'est une vision qu'il "rêvait de voir"...) tout cela mélangé au voyeurisme constitue un jeu très malsain dans ce couple explosif.
Mais est-ce là le miroir de la vie de Nicolas Bedos ? Sachant qu'il était jadis en couple avec Doria Tillier... Y'a t'il un prétexte pour lui de mettre en abîme son intransigeance de metteur en scène, ce désaccord professionnel qui déborde finalement sur la vie privée ? Cette jalousie maladive, cette colère qui effrite finalement la muse du créateur ?
Voilà pourquoi les souvenirs de Daniel Auteuil (Victor), prennent ces aspects de tournage de films. En tout cas c'est ce que je perçoit à travers le personnage de Guillaume Canet (surtout que comme par hasard c'est Tillier qui incarne sa compagne)...
Mais passé cette identification, l'histoire d'amour de Victor est prenante, il était facile de parier qu'il tomberait amoureux de la jeune version de son grand amour, et je suis déçu de ne pas avoir vu le film voguer un peu plus sur ce noeud sentimental. Il aurait été interessant de voir Margot se laisser prendre au jeu de son personnage à son tour. Il était trop simple de prendre le chemin du "Au mon Dieu, il tombe amoureux de moi ... je dois m'éloigner de lui"... dès l'arrivée de Doria grimé en le grand amour de Victor dans le café, nous pouvons deviné qu'il allait commencer à éprouver des sentiments à son égard, elle jouait tout de même son grand amour m****, c'est risqué aussi...
De plus il sera maintenant à jamais marqué par le souvenir de la fausse "jeune version" de sa femme, puisque la dernière scène le montre s'imaginer Doria Tillier au fond du café. Alors de qui est-il vraiment (re)tombé amoureux finalement ? De sa femme, du souvenir de sa femme ou de la reproduction de cette dernière ?
C'est pour cette unique raison que je n'ai pas donné de 10 à ce film, qui pour moi est incontestablement un des meilleurs film français de la décennie. Et très bon choix esthétique également pour ma part, ces couleurs très métallique pour notre époque confrontant les couleurs brûlantes et chaudes des années 70 rendent les scènes magnifiques.
Néanmoins je ne peux finir cette critique sans évoquer au moins les jeux de la sublime Doria Tillier qui charme l'écran, et de la fabuleuse Fanny Ardant qui a grandement mérité son César pour ce film, la scène d'ailleurs de ses retrouvailles avec Auteuil dans le café à la fin est tout bonnement d'une grande élégance à mon goût. Elles incarnent toutes deux leur rôle à la perfection et crèvent l'écran, me faisant oublier la présence de Canet.
Malgré tout La Belle Époque n'est pas seulement une histoire d'amour, mais aussi un tacle à cette obsession du temps, à cette quête du retour en arrière où "tout était tellement mieux et plus simple", mais F. Ardant moralise la fin en rappelant les côtés "négatifs" de cette période afin de rappeler une chose essentielle : il faut évoluer avec son temps, savoir passer à autre chose, voir l'avenir plutôt que toujours le passé. C'est aussi ça la magie de la vie.