J’aime beaucoup l’histoire de Ninotchka. Quand on a soi-même quelques accointances avec les égalitarismes, il est toujours sain de se prendre un coup de talon, ici à claquette, dans l’esprit de sérieux. D’autant que pour ne pas voir le double tranchant de la satire — certes plus affûtée d’un côté que l’autre, c’est de bonne guerre froide — il faut être sacrément inattentif.


Je trouve ce remake dansant tout à fait charmant. J’ai un faible pour le genre, Cole Porter ne gâte rien, le Metrocolor sent le samedi après-midi d’hiver comme pas deux, et la naïveté qu’il inspire penche plus du côté du Douanier que de Jean-Jacques, ce qui, au cinéma du moins, n’est pas forcément dommage. Par ailleurs, je confesse que Cyd me remue davantage l’orthodoxie marxiste que Greta. Oui, parce qu’elle danse bien, voilà. Aussi, en tout cas.


Astaire a le même défaut que d’habitude, celui d’avoir l’air d’être le grand-père de la dame. Mais il a les mêmes qualités aussi, à commencer par celle qui consiste à perdre trente ans rien qu’en remuant le talon gauche. C’est une affaire de talon, tout ça, d’Achille, certainement. En tout cas, révolution ou pas, nous n’aurons jamais la même classe que lui, et ce n’est pas forcément mauvais de s’en rappeler et de s’y faire, avant de commencer quelque rabotage que ce soit.


Deux petites réserves. Si vous voyez ça sans la présence d’une enfant paresseuse du sous-titre, évitez à tout prix la VF, ils ont doublé les chansons, ces cons. Par ailleurs, est-ce que Peter Lorre cortisoné était bien nécessaire ? Ils lui auraient donné son salaire sans le contraindre à « danser », cela aurait été faire preuve, pour lui comme pour nous, à la fois d’une charité chrétienne et d’une justice sociale qui aurait tout à fait collé à l’œcuménisme du film.


Œcuménisme qu’on peut toujours trouver naïf, j’entends bien, comme le Metrocolor donc, mais il me semble qu’étant donnée la pesanteur ambiante il n’est jamais tout à fait vain de rappeler que, capitaliste, communiste, mâle, femelle, lyonnais, stéphanois, tout ça ne vaut pas un clair de lune à Maubeuge.


Ni un néon à Broadway, ni un flocon de neige à Moscou.

Duan

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