Alexandre Aja semblait entamer, avec Horns, son dernier effort, comme un virage dans sa filmographie. Abandonnant l'horrifique pur pour se tourner vers quelque chose de plus réel, à mi-chemin entre le thriller et le mélodrame. La 9ème Vie de Louis Drax confirme ce changement d'attitude. Mais il reste, par exemple, ces cornes qui poussent sur le front de Daniel Radcliffe dans Horns, ou cet état d'entre deux dans lequel le jeune Louis se retranche. L'horreur des débuts s'estompe peu à peu. Pour laisser place à un aspect plus fantastique, convoqué à l'occasion d'une narration qui épouse désormais les éléments d'une intrigue plus ordinaire.


La 9ème Vie de Louis Drax apparaît dès lors comme une excroissance de Horns qui en aurait gommé une partie des trop pleins et des ruptures de tons qui pouvaient en affecter le ressenti de quelques-uns.


Le film d'Alexandre Aja en apparaît d'autant plus étrange que ses premières minutes, avec sa voix off qui raconte l'ensemble des accidents, auxquels son jeune héros a survécu comme par miracle, rappelle immédiatement l'art de raconter une histoire à la manière de Jean-Pierre Jeunet. A tel point que l'on se demande parfois où l'on a pu mettre les pieds. Déstabilisant, pour le moins, avant que l'oeuvre sonde le monde du petit Louis, et surtout, le regard qu'il porte sur celui-ci et ses habitants. Un oeil tout aussi enfantin que désabusé, voire cruel en certaines occasions, tant dans les mots que dans les actes. La 9ème Vie de Louis Drax ne cherche à aucun moment l'empathie du spectateur en dessinant une enfance innocente et pure. Au contraire. Aja sonde en quelques occasions la frontière de l'antipathie en ce domaine, chose assez rare de nos jours pour être soulignée. Louis apparaîtra donc comme un gamin ultra intelligent et au ressenti aiguisé, tout en mettant en lumière des recoins sombres de sa personnalité.


De tels aspects de l'oeuvre font immanquablement penser à Quelques Minutes après Minuit, d'autant plus qu'une créature fantastique s'invitera le temps de quelques scènes. Alexandre Aja a par ailleurs longtemps tourné autour de ce film, avant d'être écarté et d'en retrouver certaines de ses thématiques dans La 9ème Vie de Louis Drax. Mais ces deux oeuvres ne jouent à l'évidence pas dans les mêmes domaines. Car le film du réalisateur français élargit son horizon en doublant la peinture de son enfance contrariée de l'illustration des failles d'une cellule familiale à la dérive et d'une paternité présentée comme extrêmement problématique, dont Aaron Paul en incarne chacun des aspects.


En face, il y a aussi cette histoire d'amour tourmentée, dans laquelle s'insinue un très bon Jamie Dorman, enfin sorti de ses fausses et fades nuances de gris. Et il y a, surtout, toute la fragilité touchante d'une Sarah Gadon toute en beauté pâle et évanescente, en légèreté et douleur troublante, comme l'aurait envisagée Alfred Hitchcock sous l'oeil de sa caméra. La mère du petit Louis Drax s'impose comme un véritable pôle magnétique autour duquel gravitent l'ensemble des enjeux de cette 9ème Vie bâtie au croisement du drame, du film noir à hauteur d'enfant, du thriller psychologique et d'une émotion indéfinissable, ou pudique, qui culmine dans une dernière partie envoûtante et surprenante. Audacieuse aussi, laissant un sentiment étrange sur chacun des personnages convoqués.


La 9ème Vie de Louis Drax s'impose donc comme un film rare et étrange, dont l'intégrité et la volonté de ne pas jouer sur les ressorts compassionnels habituels étonne tout autant qu'elle séduit. Comme si Alex nous avait pris par la main pour mieux ensuite nous pousser dans le vide.


Et entamer une neuvième vie en compagnie de son jeune héros.


Behind_the_Mask, minot sur la falaise.

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le 1 oct. 2017

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