Les années 70 voient un durcissement de la violence. Face à un constat de pourrissement de la société américaine (avec d'un côté la recrudescence des attaques à main armée, et de l'autre l'empire occulte de la mafia), les flics vont employer des méthodes de moins en moins légales. A la fin des années 60, le succès de Bullitt engendre une catégorie de films qu'on pourrait appeler policiers urbains violents des années 70. Dans ces films comme French Connection, le Flic ricanant, Un justicier dans la ville, Un silencieux au bout du canon ou Police puissance 7... l'image du flic est souvent trouble, ce ne sont pas des anges de vertu mais pas non plus des salauds. En s'engouffrant dans la voie tracée par Bullitt, L'inspecteur Harry fait partie de ces polars nouveau style rompant avec ceux des décennies précédentes. L'image dégagée par Harry Callahan peut inquiéter le citoyen parce qu'il n'aime pas les gens, il est amer, cynique et dégoûté par la mansuétude dont bénéficient certains criminels de la part de la justice , il se révolte donc contre ces lois trop douces permettant à ces criminels de continuer à nuire à la société, il s'oppose ainsi à ses supérieurs et applique sa propre loi qu'il juge mieux adaptée.
Mais Callahan est aussi un antidote à cette criminalité ; armé de son légendaire Magnum 44, il débarrasse les rues de la voyouterie et du banditisme, car le film est un véritable cri d'alarme devant la violence urbaine qui explose dans les grandes villes américaines, une véritable psychose de la violence baigne le film, c'est symptomatique dans la fameuse scène où Harry apostrophe le braqueur resté à terre (Je sais c'que tu penses, c'est 6 fois qu'il a tiré ou c'est 5 seulement ?...), scène devenue mythique grâce à la célèbre tirade de Callahan. Autant dire que la thèse développée dans le film fut très critiquée à sa sortie en 1971 ; considéré par beaucoup comme un réactionnaire, voire comme un fasciste, Harry Callahan reste cependant un personnage emblématique de cette période et même du polar US en général, c'est aussi un personnage tragiquement seul et désespéré.
Après le cowboy sans nom dans les westerns de Sergio Leone, Clint Eastwood donnait naissance à un autre personnage culte de la mythologie américaine à l'écran, dont il a su s'emparer et faire fructifier dans 4 autres films. Don Siegel qui l'avait déjà lancé 3 ans plus tôt dans Un sheriff à New York, trouvait en Clint l'interprète idéal pour ce flic marginal, tandis que Lalo Schifrin lui associait une BO au style jazzy rugueux déjà amorcé dans Bullitt. Un polar capital, à voir absolument !