Le cinéma de genre en France, ça a toujours été une drôle d'histoire, deuxième partie.

Actuellement, on fait face à une effervescence de polars français souhaitant s'inscrire dans une vieille tradition de cinéma de genre qui a fait les beaux jours de notre beau cinéma il y a de cela... Très longtemps. Mais comme il n'y a pas que les comédies dans la vie, certains tentent le coup ou récidivent. C'est ce que fait Richard Berry aujourd'hui après La Boîte Noire pour son nouveau film, inspiré d'un fait réel assez dingue : l'histoire de Charles Matteï, un homme laissé pour mort dans un parking après avoir été fusillé et avoir reçu 22 balles. Là où le fait est étonnant, c'est que l'homme en question est toujours vivant et même en bonne santé puisqu'il continue sa vie sans problème. L'occasion donc d'adapter son histoire et d'en faire un bon sujet de polar, après y avoir injecté une intrigue solide à base de complots et d'une quête de vengeance salvatrice.

Et c'est ce qu'à essayé de faire Richard Berry...

On dit bien « essayer » car il est difficile devant cet Immortel de rester concentré bien longtemps tant le film part un peu dans tous les sens. Comprenez qu'après un générique sur fond d'opéra, le « meurtre » en question a lieu et va être par la suite sujet à un long montage clipesque dans lequel on oscillera entre l'opération du monsieur (avec plein de gros plans super accélérés/ralentis/inversés de balles qui tombent dans un pot, la grande classe) et son entourage s'inquiétant de la chose, que ce soit les bons, la famille ou les méchants, de grands gangsters pas beaux autrefois associés au personnage de Jean Reno, parce que oui, Charles Matteï était un gangster haut placé autrefois ! Comment voulez vous donner une raison de se prendre 22 balles sinon ?

Après cet rapide introduction faite, le film commence vraiment et pose ce qui va servir de scénario au long métrage : Jean Reno va déterminer qui sont les responsables de tout ça, mettre ses proches en sécurité et partir dans une croisade violente tandis qu'une inspectrice de police va se plonger corps et âme dans une enquête à propos de cette histoire, l'occasion lui permettant de peut être mettre la main sur l'assassin de son défunt mari. A côté de ça, on aura aussi les agissements de l'autre grand gangster de l'époque et ami de Matteï n'ayant lui pas raccroché, joué par Kad Merad, sans oublier un Jean Pierre Darroussin avocat et ami lui aussi de l'Immortel qui va se démener pour calmer toute cette affaire. Le cadre est posé, vous avez tout suivi ? En avant la catastrophe...
Le problème principal du film concerne avant tout son scénario qui en voulant brasser large fini par partir complètement en sucette, essayant de succéder les différentes intrigues et de les raccorder tant bien que mal. L'ensemble est un foutraque pas croyable : quand certains passages peuvent se révéler quelque peu intéressants, notamment l'enquête de l'inspectrice jouée par Marina Foïs, l'ensemble possède bien trop de problèmes pour que la sauce prenne. A trop vouloir complexifier son récit, Berry se perd dans des scènes ridicules où des hommes se font d'abord torturer pour que les personnages principaux aient des indices.

On part alors dans un enchaînement de scènes redondant, entre un meurtre effectué par l'Immortel se passant toujours exactement de la même manière (un homme se retrouve seul en train de faire n'importe quelle tâche et Reno le surprend avec une réplique qui tue, lui fait la morale et lui balance une bastos dans le cœur et dans la tête, next), l'avancement de l'enquête de Foïs qui va tantôt protéger la famille de l'Immortel involontairement, tantôt interroger Kad Merad puis toujours finir au poste à se chamailler avec ses dirigeants, et enfin les agissements de ce cher Kad. Tout se succède avec une certaine indigestion à cause de lourdes failles scénaristiques et d'un dénouement capté une heure et demi en avance tant l'identité de l'homme à la base du meurtre est évident.

Et si l'on suit tout cela avec un ennui profond, c'est en raison de situations complètements ridicules et de passages durant lesquelles on se demande bien si on ne se fout pas du monde. Au début du film, on explique que Jean Reno ne pourra plus se servir de sa main droite, celle-ci étant paralysée et celui-ci passe son temps à boiter et a du mal à se déplacer. Après 22 balles, quoi de plus normal. Mais non, au bout d'une demi heure, le voilà en pleine course poursuite sur une moto cross, l'homme ayant miraculeusement retrouvé l'usage de sa main droite pour faire des sauts, des dérapages et appuyer sur le champignon. Quand on le retrouve deux séquences plus tard en train d'exécuter un homme avec l'arme à gauche et la main droite toujours inactive, forcément ça force le rire, d'autant plus que toutes les scènes de course poursuite ont étés faites, de l'aveu même du réalisateur (!) lors de l'entretien que vous pouvez voir sur le site, par une seconde équipe. Forcément, ça se voit à l'écran tant celles-ci sont torchées, avec une mollesse incroyable témoignant parfaitement du syndrome « emballé, c'est pesé ».

On rit involontairement lors de nombreuses autres scènes, dont un mariage auquel assiste toute la grande famille de la pègre locale, entre un Richard Berry en mode Parrain avec lunettes de soleil et cheveux tirés vers l'arrière absolument ridicule, quoi que ne rivalisant pas avec Kad Merad qui joue le gangster gentil en public mais vénère en coulisse, les scénaristes ayant eu la « bonne » idée de faire bégayer le bougre lorsque celui-ci s'emporte pour lui donner un peu plus de caractère. Déjà que l'acteur n'est pas crédible 30 secondes mais là, c'est d'abord l'hallucination puis le fou rire assuré. Une monumentale erreur de casting flinguant littéralement le personnage tandis que Marina Foïs peine à donner du crédit à son inspectrice écorchée vive et cherchant à tout prix la justice, sans compter sur Jean Reno qui sans être mauvais ne brille pas particulièrement dans son rôle dans lequel il place son temps à déplacer sa carcasse avec une mine de chien battu mais ne lâchant rien.
Le seul qui s'en sort à peu près reste Jean Pierre Darroussin qui fait ce qu'il faut dans son rôle, même si Richard Berry ne peut s'empêcher de lui enlever du crédit à la femme lors d'une scène dramatique dans laquelle le pauvre fait ce qu'il peut pour sauver les meubles.

Et alors que le constat est déjà mauvais, nous ne ferons qu'évoquer la bande son qui en fera rire plus d'un, où comment les gens de la Mafia, ça écoute de l'Opéra bien cliché parce que l'Opéra, ça rappelle la Familia ! Alors que le polar se rétame assez fortement la tronche ces temps-ci (« Blanc comme Neige » en est un exemple édifiant), Richard Berry rate complètement son sujet et à vouloir ratisser trop large, le réalisateur fini par ramer sur tous les plans, entre un scénario bordélique et un casting multipliant les erreurs phénoménales et les ratés. Le résultat : un polar long, très long, souvent ridicule et mortellement ennuyant. Ce sera peut être bon la prochaine fois... Quoi que.
Xidius
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le 15 juin 2010

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Xidius

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