Un homme descend du train avec sa valise. Alors qu'il dort dans un parc, il se fait agresser et frapper plusieurs fois à la tête. Il se réveille à l'hôpital, amnésique. Va alors commencer pour lui une nouvelle vie, pendant laquelle il va surtout fréquenter les laissés-pour-compte et toute une population pauvre, déshéritée, vivant dans les bas-fonds. Il va vivre de petits boulots, logera dans un conteneur et fréquentera la soupe populaire.
Ce film offre avant tout une vision très attendrie de toute cette population. Le sentiment de solidarité, l'entraide naturelle de toutes ces personnes qui sont pourtant dénuées de tout est à la fois touchante et réconfortante. Le film n'est jamais misérabiliste : en aucun cas on s’apitoie sur le sort de qui que ce soit. Non, ici, c'est le royaume de l'entraide et de la débrouille.
Il faut bien ça, car les institutions nationales, elles, sont presque inexistantes. Et quand elles sont sollicitées, elles rejettent complètement le personnage, comme l'agence pour l'emploi, qui menace carrément notre amnésique et le prend pour un drogué.

La réalisation est très particulière, très spécifique à ce cinéaste : un grand froid apparent, beaucoup de sobriété, les personnages ne bougent quasiment pas, les visages sont inexpressifs. Et pourtant, L'Homme sans passé se révèle paradoxalement très émouvant et on en sort avec un sourire attendri. Car ce film est rempli d'espoir et de confiance en l'homme.
Le film se présente comme une fable ou un conte : refus du réalisme, ville anonyme, aucun repère géographique ou temporel.
Et il est aussi rempli d'humour. Un humour à froid, là aussi, très pince-sans-rire, mais qui fait mouche. Un humour qui vient des personnages, comme ce policier véreux et son chien Hannibal, qu'il présente comme un danger, une terreur. Un humour qu'on retrouve aussi omniprésent dans les dialogues, où il s'associe parfois à une grande poésie :
"Hier, j'ai visité la Lune.
_ C'était comment ?
_ Calme.
_ Tu as rencontré quelqu'un ?
_ Non, c'était dimanche.
_ C'est pour ça que tu es revenu ?"

Enfin, L'homme sans passé a aussi un aspect parodique. Il reprend des thèmes et des scènes classiques des films noirs pour les détourner. Des agressions, un amnésique, un policier ripou, un braquage de banque, le tout est détourné avec humour et intelligence.
Un très beau film, qui a obtenu un Grand Prix à Cannes (il aurait d'ailleurs mérité la palme d'or, vu qu'il est incroyablement supérieur au piètre Pianiste de Polanski).
SanFelice
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le 28 mai 2013

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SanFelice

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