Le mérite de Terry Gilliam depuis le naufrage de son film adapté du roman picaresque de Cervantes est d’avoir voulu aller au bout de son envie de cinéaste.Le titre de son film ,L’homme qui tua Don Quichotte, le renvoie quelque part à lui-même,réalisateur désireux de solder ses expériences déçues,ses frustrations pour se débarrasser de ce personnage qui l’a tant hanté.Le personnage de Toby est véritablement un double de lui-même et Gilliam en profite pour décrire une industrie du spectacle décadente,absorbante (avec Toby toujours tiraillé entre le réel médiocre et l’imaginaire qui pourrait être merveilleux sans les impératifs financiers des producteurs).En chargeant avec une caricature assez outrancière,Terry Gilliam suggère des parts de vérité bien senties et dérangeantes (Paolo Branco a dû apprécier).L’autre dimension que raconte le cinéaste,c’est la difficulté de revenir dans le réel quand on a gouté à l’imaginaire.Cette fièvre s’emparant déjà du cordonnier d’un village espagnol est habilement relié à la nature de Don Quichotte de déformer sa vision des choses.S’emparer de l’identité d’un autre étant beaucoup mieux que vivre sa modeste condition.Et ayant fait cette démonstration,Gilliam brouille la frontière entre le réel et l’imaginaire,comme un pied de nez pour balloter le spectateur,voir s’il lit toujours entre les lignes et les intentions.La sarabande Gilliamesque peut donc se jouer et force est de constater que Jonathan Pryce (acteur clé des meilleurs films du réalisateur),Adam Driver et Stellan Skarsgard ont le mérite de tenir la distance sur une partition aussi barrée.Le film se laisse appréhender par l’acceptation de l’action hallucinante et hallucinée et ses différentes couches de compréhension laissent plutôt pantois.J’estime que Gilliam a réussi à boucler la boucle pour « tuer Don Quichotte » et qu’il n’a pas perdu la boule et son style personnel.Si vous êtes client des films du cinéaste,tenter l’expérience ne serait pas vain,bien au contraire.J’espére que le film trouvera son public et ne sera pas sous-estimé.Mais c’est une autre histoire...