Nous sommes à Nice au milieu des années 70, la guerre des Casinos fait rage sur la côte méditerranéenne. Agnès Le Roux (Adèle Haenel) dont la mère (Catherine Deneuve) est la riche propriétaire du Palais de la Méditerranée rentre après quelques années d'un mariage malheureux en Afrique. Bien décidée à vivre sa vie comme elle l'entend, elle tombe pourtant très vite sous le charme de l'avocat de sa mère, Maurice Agnelet. Ce dernier l'a convainc subtilement d'offrir le contrôle du Casino au principal concurrent de Renée Le Roux, le mafieux Jean-Dominique Fratoni. Aveuglée par ses sentiments pour Maurice et ses ressentiments pour sa mère, Agnès Le Roux plonge peu à peu... jusqu’à disparaître complètement. Disparition qui marque le début d'une longue enquête judiciaire qui résonne encore dans nos journaux.

Tous les ingrédients du polar sont réunis dans cette tragique histoire et c'est tout naturellement qu'André Téchiné les transpose dans L'homme que l'on aimait trop, s'entourant d'acteurs de talent, la montante Adèle Haenel, le confirmé Guillaume Canet et la majestueuse et toujours resplendissante Catherine Deneuve, l'une de ses actrice fétiches.

La grande force d'André Téchiné est certainement d’insuffler de la grâce dans ce fait divers dont on ne retient souvent que l'affaire de gros sous. Et si la reconstitution des faits est assez fidèle et pourrait ennuyer les spectateurs déjà bien instruits sur cette affaire, c'est surtout du côté du personnage d'Agnès interprété par Adèle Haenel qu'il faut se tourner pour comprendre tout l'intérêt de cette histoire. C'est dans ces tristes et jolies scènes que le réalisateur adopte un point de vue plus personnel et s'accorde quelques belles séquences (la séance de danse africaine d'Adèle, ses longues balades en moto avec Maurice...). Si le réalisateur ne prend pas de position claire sur la culpabilité présumée de Maurice Agnelet dans la disparition d'Agnès Le Roux, il dresse un portrait touchant et troublant de fragilité de la jeune femme.

Prise dans un tourbillon de sentiments, ballotée entre l'autorité aimante de sa mère et le cynisme du manipulateur Maurice Agnelet, Agnès se perd et devient triste... Elle qui ne semble pas accorder d'importance à l'argent, elle achète la présence de Maurice à ses côtés avec son héritage, jusqu'à ce qu'il s'éloigne une nouvelle fois.
Petite fille perdue, Agnès a-t-elle souhaité disparaître ou a-t-elle été assassinée ? Un procès peut-il permettre de comprendre la troublante relation entre Agnès et Maurice ? Apparemment non...

Caméra en mouvement constant, André Téchiné filme ce trio en train de se débattre et se déchirer sur les belles côtes niçoises. La beauté des paysages et la mise en scène pointilleuse rendent le tout hypnotisant, comme le regard d'Adèle Haenel. Dommage que la seconde partie du film, celle du lourd procès ne parvienne pas à ce même degré de beauté.

Le film retombe lentement dans le fait divers et dans la reconstitution plate et sans sentiment , comme si le réalisateur s'était senti obligé de rendre compte de tous les éléments de la justice.
Nous reste le portrait figé de la jeune Agnès en danseuse étoile, à nouveau figée sur le papier alors qu'elle s'était tant battue pour nager, danser, aimer librement.

L'Homme que l'on aimait trop est un portrait juste des amours destructeurs.
SarahLehu
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le 30 juil. 2014

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Sarah Lehu

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