L'Homme de la plaine par pierrick_D_

Will Lockhart,ex capitaine de cavalerie reconverti dans le transport,convoie un chargement de marchandises de Laramie,dans le Wyoming,jusqu'à Coronado,une petite ville aux portes des territoires apaches.Mais l'homme a un but caché,venger la mort de son jeune frère,un soldat dont la patrouille a été massacrée par les apaches en question.Sauf que bizarrement ce n'est pas aux indiens qu'il en veut,mais aux trafiquants d'armes qui leur ont vendu des fusils et dont il veut découvrir l'identité.Il n'est pas très bien accueilli à Coronado,où il se heurte vite au clan d'Alec Waggoman,le vieux dur à cuire qui possède presque toutes les terres alentour et qui fait la loi dans le patelin,s'appuyant sur son fils Dave,un dégénéré hystérique,et sur son dévoué contremaître Vic Hansbro,un ambitieux qui ronge son frein en espérant succéder au patron à la tête du ranch.Lockhart est également menacé par Chris Boldt,un voyou patibulaire,par le mystérieux employé indien de l'épicerie et par le shérif aux ordres des Waggoman.Ca se passe nettement mieux avec les femmes,le gars sympathisant rapidement avec la jolie épicière Barbara et avec Kate Canady,patronne du seul ranch résistant à l'hégémonie waggomanesque."L'homme de la plaine" est le cinquième et dernier western de la série tournée par Anthony Mann avec James Stewart en vedette.C'est un bel exemple de savoir-faire du vieil Hollywood,l'oeuvre étant produite et distribuée par la Columbia et filmée en Technicolor et Cinémascope dans les impressionnants décors déserts et montagneux du Nouveau-Mexique.Le scénario,adaptant une histoire de Thomas T. Flynn,est signé de Frank Burt et de Philip Yordan,ce dernier ayant souvent collaboré avec Mann mais aussi avec Nicholas Ray pour qui il a notamment écrit "Johnny Guitare".La photo de Charles Lang utilise admirablement les paysages sauvages et arides où évoluent les personnages,et la musique de George Duning rythme à merveille les péripéties de l'intrigue en en soulignant les tensions.Quant à la mise en scène de Mann,elle est comme toujours magistrale avec ses cadrages recherchés et sa facilité à user de la verticalité à travers des plans en plongées et contre-plongées,principalement lors des chevauchées au milieu de collines escarpées.Le script ne manque pas non plus d'intérêt et propose une sorte de tragédie antique digne des Atrides.Lockhart met les pieds dans un sac de noeuds où la situation est déjà tendue.Il drague Barbara,qui n'est pas indifférente à ses avances mais qui est aussi la nièce d'Alec et la fiancée de Hansbro.Quant à Kate,elle fut autrefois la promise d'Alec avant qu'il ne l'abandonne pour une autre.Au ranch Waggoman,le vieux potentat impose une autorité de fer mais il commence à mollir car il perd la vue,tandis que la rivalité fait rage entre l'incontrôlable Dave et le déterminé Vic,en concurrence pour la succession.Will vient ajouter de l'huile sur le feu avec son enquête sur le trafic de flingues et son désir de vengeance,précipitant une accumulation de violences gratinées.Il est certes dommage que les réactions des uns et des autres ne soient pas forcément d'une logique imparable et que certaines facilités desservent l'ensemble mais ça reste cependant un western de très bonne tenue,d'autant que l'interprétation est de grande qualité.Stewart est comme de coutume parfait dans son emploi favori d'homme dur et obstiné mais au fond trop bien pour se laisser aller au crime,le juste dans toute sa splendeur.Donald Crisp est très bien en grand propriétaire impitoyable mais dépassé par la situation qu'il a créée,tandis qu'Alex Nicol déchire sa race en fils à papa immature et à moitié débile.Aline MacMahon impose une solide présence dans la peau d'une vieille femme n'ayant jamais pu faire le deuil de son premier amour et Cathy O'Donnell,qui sera quatre ans plus tard la jeune soeur de Charlton Heston dans "Ben-Hur",n'est pas vraiment belle mais possède un charme irrésistible.Jack Elam est comme d'habitude fantastique en salopard vicelard et dangereux mais celui qui tient le haut du pavé est Arthur Kennedy dans le rôle de Vic,peut-être sa meilleure prestation.Il est vrai que son personnage est le plus intéressant car,contrairement aux autres qui sont relativement univoques,le sien est diablement ambigu.C'est à la base un type sympathique,mais la cupidité et la frustration le font basculer dans une série d'actions répréhensibles qui mettront le feu aux poudres,au sens propre comme au figuré.Son désir de reconnaissance,sa quête éperdue d'une relation père-fils avec Alec qui lui échappe à cause de la préférence de celui-ci pour son abruti de rejeton et son sentiment de mériter cette terre qu'il convoite depuis toujours vont le pousser aux pires extrémités,ce que Kennedy illustre avec force et talent.