Pour son premier film américain, le britannique Michael Winner partait à l'assaut du western en réalisant L'Homme de la loi. Un film violent et cynique qui annonce à bien des égards l'œuvre culte du cinéaste, Un Justicier dans la ville, sortie trois ans plus tard.


Lorsque Michael Winner arrive aux Etats-Unis au début des années 1970, c'est une réputation de réalisateur de comédies (Scotland Yard au parfum) qui le précède. Mais le londonien va rapidement détricoter cette réputation en enchainant les polars musclés (Le Flingueur, Le Cercle noir...), ainsi que deux westerns « crépusculaires » à la violence âpre, Les Collines de la terreur avec Charles Bronson et donc ce Lawman en 1971 avec l'icône Burt Lancaster, qui n'avait d'ailleurs plus tourné dans le genre depuis 1968 et Les Chasseurs de scalps. A partir d'un scénario de Gerald Wilson, collaborateur récurrent de Winner, le britannique s'attaque déjà à l'un de ses sujets favoris : la justice et la légitime violence, trois ans avant Un Justicier dans la ville. La grande différence ici, c'est que le justicier incarné par Lancaster porte une étoile de Marshal et n'a aucune vengeance à assouvir au contraire de Charles Bronson qui passait de citoyen passif à vengeur compulsif suite au meurtre de sa femme et au viol de sa fille.
Une différence de taille qui rend encore plus ambiguë la démonstration de Winner qui culminera au carnage. A l'instar des autres westerns crépusculaires d'alors comme Little Big Man, John McCacbe ou encore Macho Calahan, la figure du héros de Far-West, et ici plus précisément de l'homme de loi, est écornée, totalement démystifiée et démythifiée. Vu comme un chasseur de primes, voire un assassin lors de son entrée en ville accompagné d'un cadavre, le Marshal Maddox, qu'aucun compromis ne semble pouvoir arrêter, développe en effet une vision jusqu'au-boutiste et obsessionnelle de la justice quitte à voler un cheval à un fermier ou pire à tirer dans le dos d'un fuyard lors d'un final apocalyptique et mémorable où la maestria du réalisateur fait merveille.


A MAN WITH A GUN


Même s'il ne se présente pas comme un remake de A man with a gun (L'homme au fusil qui ressort justement chez Sidonis !) avec Robert Mitchum, L'Homme de la loi lui « emprunte » cependant quelques thèmes comme cet homme solitaire et violent spécialisé dans le « nettoyage » de villes infestées par des bandits, dont il finit par ressembler avec ses méthodes expéditives. Comme dans le film de Richard Wilson, Lancaster finira par provoquer une « révolte » de villageois qui iront jusqu'à former une milice pour l'éliminer, ce qui nous vaudra une scène savoureuse illustrant la lâcheté collective.
Assez mal reçu à sa sortie à cause de sa violence exacerbée (le sang gicle littéralement lors des « gunfight », un cheval se fait dévorer par des coyotes, les bovins sont marqués au fer rouge...), la réalisation de Winner cumule également un autre défaut le rapprochant du western italien avec un usage intempestif de zooms. Toutefois, outre la solidité du scénario, Winner put compter sur un casting très impressionnant mené bien évidemment par un Lancaster exemplaire dans un rôle pourtant des plus ingrats. Que dire aussi de la partition de Robert Ryan en shérif vendu et mélancolique devenu spectateur de la tragédie à venir. Pas loin de son rôle dans La Horde sauvage, il nous prouve une nouvelle fois son immense talent lorsqu'il s'agit de jouer des personnages désabusés et vieillissants.
Quant aux « méchants », menés par un admirable Lee J. Cobb, Winner parvient à nous les rendre sympathique face à ce représentant de la loi bien trop zélé en nous les représentant comme de simples cow-boys ayant eu le malheur de provoquer la mort accidentelle d'un vieillard dont personne ne semble se soucier... Seule Sheree North, qui joue une ex de Maddox désormais mariée à un des hommes recherchés, parviendra à faire prendre conscience au Marshal de l'inutilité de sa quête vengeresse...


Longtemps censuré, L'Homme de la loi figure bien parmi les très bons westerns d'alors grâce à un superbe casting, un scénario confinant à la tragédie et la vision réaliste de Winner qui pour une première aux USA signait un véritable coup de maître.


( Retrouvez l'évaluation de la partie technique de l'édition Blu Ray-dvd de SIDONIS par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6873 )

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le 23 avr. 2022

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