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Percutant malgré un emballage un peu trop sobre

Avant tout, je dois admettre que ma note est un peu biaisée par la beauté et la pureté qui se dégagent du personnage - notamment de certaines de ces paroles - dont Yelena Popovic tente de retranscrire les traits à travers ce biopic.


Commençons par évoquer les lacunes de L'Homme de Dieu.


Les 45 premières minutes (en gros), à la fois dans la mise en scène et le jeu des comédiens eux-mêmes, m'ont donnés l'impression de regarder un de ces documentaires reconstitués, plus proche d'un cinéma historique de type Arte que d'un film projeté dans les salles.


La façon de filmer, de mettre en place les personnages, de les amener dans le champs visuel... Même les regards. Le tout est sobre. Trop sobre.


A l'instar de son personnage central, la mise en scène de L'Homme de Dieu est comme dépouillée, prise, elle aussi, dans une forme de renoncement. Toutefois, elle franchit selon moi la limite entre ce qu'on pourrait appeler une simplicité volontaire, un minimalisme étudié, pensé spécifiquement pour offrir une oeuvre vidée de tout ornement, de toute fioriture - lui donnant alors un aspect plus immersif, plus percutant, voire même, plus créatif - et une sorte de banalité involontaire, davantage associable à une maladresse artistique.


En d'autres termes, là où la scénographie aurait pu nourrir le propos et participer pleinement à m'immerger dans son récit, elle a plutôt tendance à le noyer et à le "flétrir", telle une fleur qu'on arrose d'une mauvaise eau.


Il est intéressant de noter que cet effet négatif est malheureusement décuplé par un parti pris narratif que je trouve, lui aussi, dommageable.


En effet, je pense vraiment qu'il aurait été plus judicieux de remonter dans la biographie de Nectaire afin d'installer des enjeux solides en amont. Car, problème majeur du film, l'histoire reliant les 2 personnages antagonistes (Nectaire et le Patriarche d'Alexandrie), leur relation affective, sentimentale, par ailleurs décrite comme comme quasi-parentale, n'est pas réellement investiguée, développée.


Or, ceci est selon moi un problème, dans la mesure où l'ensemble du récit repose sur le conflit soudain (et donc, par prolongement, sur la relation elle-même), imprévisible, opposant deux amis spirituels, auparavant très proches l'un de l'autre.


Pour mieux intéresser au récit du film, retranscrire les rapports qu'entretenaient Nectaire et le Patriarche aurait permis de démontrer les enjeux véritables, et, du coup, d'accorder à cette cassure, cette rupture sur laquelle repose toute la suite de l'histoire, l'ampleur qu'elle mérite.

Tout ce que l'on sait est que le prêtre accorde un immense respect, et témoigne même une dévotion profonde en vers son référent ecclésiastique. Ce dernier, quant à lui, tourne le dos à son "fils", en le congédiant, cautionnant donc les calomnies dont Nectaire est victime.

Certes, L'Homme de Dieu se rattrape par un certain talent dans la suggestion.


Beaucoup de films utilisent ce levier. Plutôt que de démontrer à l'écran, d'étaler leur narration, ils font fi de manifester des éléments antérieurs à leur propre récit, recourant davantage aux silences, aux regards, aux angles de vue - en bref, à la mise en scène - pour traduire un passé tacite dont les protagonistes sont imprégnés.


Le biopic de Popovic est loin d'être mauvais sur ce point.


Toutefois, comme je l'ai évoqué précédemment, l'aspect un tantinet trop "lambda", "passe-partout" de sa scénographie ne va pas vraiment dans ce sens.


En résumé, vous l'aurez compris, L'Homme de Dieu souffre selon moi de deux défauts. Le premier réside dans une sobriété un peu contre-productive. La seconde, est liée à un choix narratif occultant une période majeure de l'histoire de Nectaire.


Cela dit, le long-métrage de Yelena, à l'image d'un diesel, démarre doucement mais monte progressivement dans les tours.


Si (presque) jamais il ne parvient à briser cet emballage typique d'une reconstitution historique, cette apparence d'un documentaire théâtralisé, la force spirituelle dégagée par Nectaire gagne en puissance à mesure que le récit progresse.


Ainsi, contre vents et marées, le prédicateur reste debout, totalement dévoué au Divin et à la signification supérieure, au sens caché de la vie. Sous les insultes, les accusations fallacieuses et même les coups, l'homme de Dieu se redresse systématiquement, maintenant son cap avec une force intérieure et une détermination extraordinaire, tourné vers le chemin spirituel qui le rapproche de "Lui", ne s'en éloignant jamais, malgré ses conditions de vie particulièrement chaotiques, subissant des assauts incessants de la part des humains.


Le film (et le comédien principal) est très fort en cela qu'il parvient à convaincre le spectateur qu'en effet, pour paraphraser son personnage, "tout s'arrange toujours.".


Saint-Nectaire nous délivre une vision de l'existence qui mérite d'être regardée avec attention.

A travers le brouhaha et l'agitation permanente du monde humain, sa voix s'élève et traverse toutes ces couches de confusion, toute cette négativité, ces dominations, cet égoïsme, cette arrogance, cet attachement, ces émotions perturbatrices, qui empêchent d'accéder à un niveau de conscience plus épuré, plus sage et plein d'Amour.


A ce tire, en dépit d'un excès de sobriété dans la mise en scène, Aris Servetalis s'en tire bien. Les rôles secondaires également, et nous avons ici affaire à un casting équilibré et efficace.


En somme, L'Homme de Dieu est un très bon film, à condition peut-être d'éprouver une attirance particulière pour des récits d'ordre spirituels, permettant d'outre-passer une certaine longueur dans la première partie du scénario.


TOUT PUBLIC ? Non. Le film s'adresse à un public adulte, notamment en raison de la violence verbale, morale et physique de certaines scènes, et de l'aspect globalement très dramatique, traitant de l'injustice, de la violence humaine, de la misère, de la vengeance (etc.), sous un angle brut et et non-pédagogique pour un public très jeune.

Padmasambhelan
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le 21 déc. 2022

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