L'Héritière
7.8
L'Héritière

Film de William Wyler (1949)

Catherine Sloper est la future héritière d'une immense fortune acquise par son père. Disgracieuse, timide et victime d'une crédulité qui dépasse l'entendement, elle tombe sous le charme d'un jeune homme qui possède toutes les qualités sauf celle d'avoir le sou, Morris Townsend. Amour soudain et inexplicable pour la si peu sociable Catherine ? Son père est persuadé d'avoir l'explication et, pour lui, ce jeune goujat n'est qu'un coureur de dot pique-assiette qui ne peut s'intéresser à sa progéniture, véritable nid à défauts sur pattes...

Le drame de William Wyler, adaptation d'un roman de Henry James, Washington Square, arrive à nous captiver avec un postulat de départ compliqué : l'héroïne n'a aucune prestance, est plutôt laide et semble tout l'inverse des jeunes femmes de l'époque. Elle multiplie les bourdes, baisse la tête, se tient mal, parle peu et vit sa frustration comme si elle portait une tonne sur ses épaules. Olivia de Havilland, dans sa façon d'incarner la maladresse ou, plus tard, dans sa capacité à endurcir son personnage et à le révéler, mesure toute l'étendue des possibilités de son fabuleux portrait de femme en train d'éclore et livre une excellente partition qui lui fit d'ailleurs remporter un oscar. Montgomery Clift n'est pas en reste, il n'a de cesse de faire douter le spectateur sur ses véritables intentions et paraît aussi arrogant qu'ensorcelant.

L'Héritière, c'est avant tout une mise en scène qui enveloppe tout d'un fin drapé d'esthétisme, très présent mais jamais accaparant. Des plans souvent statiques, des jeux de reflets, d'ombres, une malice dans le cadrage qui suivent l'évolution des personnages tous très engagés dans leurs propres intérêts. Dans cette romance impossible, les scènes sont souvent théâtrales, avec ce père impassible, cette héritière gauche et cet amant vénal qui entrent, sortent et apportent leur lot de péripéties comme dans une pièce jouée sur scène. Un trio dont le scénario, pourtant simple, ne s'effrite jamais et qui termine en apothéose dans un dernier quart d'heure glaçant et, si je peux me permettre, pleinement mérité ! Son père, qui parle de sa femme disparue comme d'un joyau et qui s’apitoie sur sa pauvre fille qui ne lui ressemble pas du tout, donne aussi à réfléchir sur l'éducation et la considération que l'on peut apporter à ses enfants pour que leur confiance et leur volonté se développent correctement.

C'est cynique, pessimiste, cinglant, parfois désinvolte mais c'est avant tout le tableau d'une femme engoncée dans son mal-être qui se révélera... bien malgré elle.

C'est beau, aussi. C'est surtout beau, et ça donne envie de lire le roman du talentueux Henry James.
EvyNadler

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