Hugo Cordell,magnat français de l'acier,meurt dans un accident d'avion qui n'est probablement pas un accident et son fils unique Bart,qui dirige la filiale américaine de ce gigantesque groupe industriel,financier et médiatique,doit rappliquer fissa à Paris pour prendre au pied levé la succession de son paternel.Il déboule au milieu d'un vrai panier de crabes et va devoir manoeuvrer parmi des concurrents mafieux et des politiques pourris tout en essayant de réformer les méthodes de l'entreprise et de découvrir qui a éliminé papa.Il s'agit là du troisième des sept films ciné de Philippe Labro et du second qu'il coécrit avec le romancier Jacques Lanzmann après "Sans mobile apparent" et avant "Le hasard et la violence" et "L'alpagueur".Outre Lanzmann,d'autres collaborateurs habituels du réalisateur sont présents comme le chef-opérateur Jean Penzer,dont l'image grisouille colle parfaitement à l'ambiance délétère du film,ou le monteur Claude Barrois.Moins habituels mais tout aussi talentueux sont le décorateur Théobald Meurisse,qui a déniché quantité de lieux déprimants et impersonnels,et le musicien Michel Colombier dont la partition tonique accompagne à ravir les nombreux moments stressants parsemant l'histoire.Il est à noter que le premier assistant Bernard Queysanne signera son premier long en tant que réal l'année suivante,Prix Jean Vigo à la clé,et que le deuxième,Alain Payet,fut sous le nom de John Love un des principaux pourvoyeurs du porno français,dans le style très glauque défini sous le charmant vocable de hard-crade.Le personnage de Bart semble inspiré de JFK,le nom de Kennedy est d'ailleurs cité,et représente le capitaine d'industrie flamboyant à la mode en ce temps-là.Play-boy grande gueule,pressé et autoritaire,dragueur impénitent,aimant s'exhiber dans les médias,il veut bousculer les normes en place en imposant des idées gauchisantes totalement démagogiques.Labro imprime une allure dynamique à l'oeuvre en collant à son héros protéiforme qui se déplace sans arrêt,en avion,en train,en voiture,cavalant d'une chambre de palace à un bureau de direction,d'un enterrement à la visite des hauts-fourneaux de Thionville,séquence semi documentaire,d'un hangar plein de cercueils à un appartement isolé au milieu d'une tour inachevée et inhabitée,tout ça en baisant tout ce qui bouge,en enquêtant sur le décès paternel et en échappant miraculeusement à quelques attentats.L'ensemble est très plaisant à voir car l'action se double d'une réflexion sur le pouvoir et l'emprise capitaliste sur la société moderne.Un impressionnant défilé de protagonistes sinistres et inquiétants défile sur l'écran et les arcanes pas propres de la politique,des affaires et des médias sont dévoilées,de manière certes souvent naïve et schématique mais efficace et pertinente.Tout le monde est ambigu et Cordell doit se méfier de tous,y compris des siens,ne pouvant se reposer que sur un trio formé de son homme-lige David Loweinstein,son meilleur ami as de la finance,du détective privé Brayen et du journaliste Delmas.A force de donner des coups de pied dans la fourmilière,il va se mettre en danger et va devoir jouer serré dans ce contexte vicieux où les attaques peuvent surgir de partout.Il est à remarquer que personne n'est sympathique dans cette histoire,pas même Bart,dont le comportement ignoble avec les femmes laisse pantois et qui confesse volontiers en privé que sa fibre sociale affichée n'est qu'une manipulation démago-médiatique,le cynisme général étant habilement souligné par les dialogues cinglants d'un Lanzmann inspiré.Labro use opportunément des gros plans et des éléments de décor.Quelques gros défauts quand même dans ce film,les scènes d'action mal shootées par exemple.C'est un truc que Labro n'a jamais su faire et ça devient particulièrement ridicule dans le final.On peut également citer les flashbacks trop nombreux et pas toujours nécessaires.L'évocation de la Deuxième Guerre Mondiale,avec la spoliation des biens juifs et la montée de l'extrême-droite italienne lors des seventies, n'a pas non plus grand rapport avec le sujet et parait avoir été incluse pour se faire plaisir par Lanzmann,juif rescapé du conflit,et Labro,dont les parents sont des Justes ayant abrité des juifs durant la guerre.De nos jours ce film est délicieusement désuet vu que l'on constate la disparition totale de la sidérurgie française.Gros casting avec en tête de gondole Jean-Paul Belmondo,qui retrouvera Labro trois ans plus tard pour "L'alpagueur".Bébel livre une composition dense et cadrée très éloignée de ses pitreries coutumières et convainc en héritier perdu entre violence intrinsèque et traumatismes divers.Il est entouré de bons potes à lui tels Charles Denner,impeccable en ami fidèle froid et détaché,Michel Beaune en rédacteur en chef dépassé,Jean Rochefort,impérial en administrateur énigmatique,Jean Desailly en journaliste shooté aux scoops,François Chaumette en avocat fielleux ou Marcel Cuvelier en ministre sans états d'âme.Et puis il y a aussi,coprod franco-italienne oblige, la belle italienne Carla Gravina en rédac-chef outrageusement courtisée qui se fait baffer d'importance et gravement humilier.Elle était déjà dans le précédent Labro,"Sans mobile apparent",et y avait déjà pour doublure voix l'excellente Nadine Alari.Autre beauté de l'époque,la magnifique Maureen Kerwin,extrêmement sexy en call-girl traîtresse et vénale à souhait succombant pourtant au charme du héros.Pierre Grasset est très bon en journaliste d'investigation,tout comme Jean Martin en évêque plein de componction et Fernand Guiot en flic teigneux,sans oublier un Maurice Garrel étonnant en privé mutique et brutal.Petite curiosité,la minuscule apparition,fugitive mais cruciale,de Jean Marbeuf en tueur italien.L'acteur a tenu plein de ces mini rôles dans des films "normaux" tout en étant beaucoup plus en vue dans le X dont il était une figure majeure.Notes et critiques de films de Philippe Labro publiées précédemment:"Sans mobile apparent"-7,"L'alpagueur"-4.Moyenne:5,6.

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le 7 nov. 2023

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