Nous sommes face à l'un des principaux long-métrages principaux de la série de films appelée les "Universal Monsters". Cette "saga" est principalement connue pour 8 oeuvres cinématographique (dont fait partie "Creature from the Black Lagoon") mais s'étend à un nombre bien plus important si l'on considère sa totalité. La créature du lagon (en tant que personnage mais aussi en tant que film) est à mettre en parallèle avec la figure du monstre de Frankenstein, de Dracula, la Momie ou encore de l'Homme invisible. Ces divers monstruosités sont cinématographiquement parlant assez semblable dans leur traitement par la Universal, aussi tout ce que je dirai ici pourrait à peu de chose près être repris pour parler des autres long-métrages composant cette série si particulière dans l'Histoire du Cinéma. Creature from the Black Lagoon est probablement l'une des oeuvres les plus aboutie du genre fantastique de cette époque. Un petit chef d'oeuvre de son temps qu'il serait bon de remettre en avant aujourd'hui tant il influence le Cinéma encore aujourd'hui. Je vais tenter d'expliquer en quelques mots pourquoi cette oeuvre cinématographique est un monument de son genre et de son époque.


C'est à partir des années 1930 que la Universal Pictures s'est mise à produire une série de films mettant en scène ces différents monstres. Ces long-métrages auront dès leur sortie un grand succès, ce qui permet d'explique que tout le monde connait encore aujourd'hui de près ou de loin chacune de ces créatures emblématiques. L'impact culturel fut conséquent.
La plupart de ces œuvres ont une construction au final assez similaire à plusieurs niveaux. Les différents récits présentés nous exposent un monstre / un être surnaturel vivant dans un lieu lointain et se retrouvant malgré lui en contact avec l'Homme. La monstruosité causera des dégâts et se prendra d'amour pour le protagoniste féminin principal malgré leurs barrières physiques, psychologiques et culturelles. Ces schémas narratifs sont grandement inspirés d'œuvres comme "La Belle et le Bête" ou encore des écrits d’Edgar Allan Poe et du roman gothique datant du 19e siècle.


L'un des concepts les plus frappants présent dans ces oeuvres cinématographiques est sans doute l'utilisation de la suggestion concernant la figure du monstre. Cela nous le devons au producteur Val Lewton, célèbre producteur ayant produit un certain nombre de film fantastique à petit budget en se basant sur cette idée de ne presque pas montrer la créature à l'écran. L'idée est de faire craindre l'invisible, le hors-champ au spectateur. Cela pourrait sembler basique pour nous, spectateurs contemporains et pourtant dans les années 1930-1950 cela était un concept relativement nouveau encore. Nous pourrions parler du long-métrage "Cat People" réalisé par Jacques Tourneur qui est l'un des plus grands représentants de cette utilisation spécifique. Le processus de suggestion est également utilisé pour les "Universal Monsters" à la nuance près que l'apparence de la monstruosité sera dévoilée en finalité au public. L'idée est de mixer la suggestion avec le suspens comme ressort horrifique. L'être surnaturel étant la véritable star principale du film, son apparition complète sera retardée au maximum afin de faire perdurer la tension le plus longtemps possible pour le spectateur.


Dans "Creature from the Black Lagoon", ce concept de suggestion est parfaitement intégré de par certaines séquences en début de long-métrage. Nous comprenons immédiatement les intentions du monstre sans le montrer complètement à l'écran ; sa violence, son animalité et sa force se font ressentir sans même avoir à le montrer complètement . Prenons pour exemple le passage en caméra subjective où le spectateur se retrouve derrière les yeux de la créature. Celle-ci s'avançe vers un campement. Cela dévoile déjà une certaine peur de l'inconnu pour les spectateurs qui se rendent alors compte de la menace que représente cet être sans même le voir. Plusieurs apparitions suggestives du spécimen mi-homme mi-poisson se verront encore par la suite (la plupart en gros plan présentant une main palmée sortant hors de l'eau). L'une de ces séquences expose d'ailleurs déjà l'attirance de la créature pour le personnage féminin principal. Travailler le film de la sorte permet donc encore une fois de plonger le spectateur dans le suspens jusqu'à la sublime scène culte où la créature nage sous la surface de l'eau.


Comme déjà énoncé précédemment, la figure du monstre vit dans une époque et dans un pays lointain. Il est donc nécessaire de faire un voyage pour le rejoindre, le trouver. Il est ici question du concept du déplacement du lointain vers le proche. Son habitat se doit en effet de se trouver dans des lieux dépaysants et éloignés de tout pour l'Homme. Cela a pour objectif de déstabiliser le spectateur autant que les personnages du récit car ils vont se retrouver devant des lieux étranges et inquiétants qu'ils ne connaissent pas. Ce concept exprime également bien à quel point le monstre est un être complètement exclu par la société, il ne la comprend pas et elle ne le comprend pas non plus. L'environnement participera à la notion de peur véhiculée par le film car il ne fait qu'un avec la figure du monstre, c'est son territoire.


Cet élément se confirme frontalement dans "Creature from the Black Lagoon". La créature vit dans un lac perdu d’Amazonie où la végétation est envahissante et la faune animale dangereuse. L'équipe de scientifiques voyageant sur le bateau se retrouve confrontée à un lieu isolé du monde, dangereux, où rode le monstre qui est avantagé par un terrain qu'il connait parfaitement. Ce lieu isolé du reste du monde exprime encore une fois bien cette idée d'opposition entre la créature et les hommes qui sont radicalement différents. Malgré certaines caractéristiques humaines évidentes chez le monstre, nous sommes face à un principe de dualité bien présent et fondamental.


La créature du film (nommée le "Gill-Man") fonctionne donc parfaitement et son utilisation est justifiée. Le réalisateur Jack Arnold est un maître du fantastique et le prouve avec ce qui restera selon moi son chef d'oeuvre. Il est également aux commandes de "Tarantula" et "L'homme qui rétrécit" qui auront également un impact sur le cinéma fantastique mais "Creature from the Black Lagoon" restera celui que nous retiendrons tous. Son design et son utilisation en on fait un monstre iconique.
Il est également apparu dans "The Monster Squad" ou dans le roman "IT" de Stephen King. Il a inspiré Mike Mignola pour la création du personnage de Abe dans son célèbre Comics "Hellboy". Le réalisateur Guillermo Del Toro adaptera d'ailleurs cette bande-dessinée en 2 longs-métrages et réalisera en 2018 "The Shape Of Water" (grand vainqueurs de la cérémonie des Oscars à sa sortie), nous parlant d'un homme-poisson extrêmement semblable au Gill-Man.
Preuve de son influence encore aujourd'hui.
Nous retiendrons ce monument du fantastique pour ce qu'il a été et pour ce qu'il est aujourd'hui à juste titre: une icône et une synthèse de ce cinéma.

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