Leigh (Frankie Box), solaire, lumineuse, sous ses cheveux noirs de déesse grecque, et malgré son regard habité de sombre. Gymnaste au sol préparant sa première compétition, elle habite plus aisément encore l’air, dans lequel elle tournoie, vibrionne, s’envole, dans l’éclair ondulé de sa chevelure devenue horizontale. Ici, point de trucages, doublures, effets spéciaux... L’adolescente fut réellement recrutée dans un club sportif, tout comme le jeune homme qui lui donne la réplique (Alfie Deegan) et qui incarnera un demi-frère inconnu, Joe, surgi sans crier gare du passé paternel.


Eva Riley, qui réalise et scénariste avec cette fraîche équipe son premier long-métrage, après deux courts remarqués (« Patriot » 2015, « Diagnosis » 2016), excelle à recueillir la lumière de Brighton. L’image, magnifique, de Steven Cameron Ferguson capte la luminosité à la fois diaphane et intense de cette ville côtière, où la mer fait ressentir sa présence jusque dans les quartiers pavillonnaires ou dans la campagne avoisinante. Une lumière qui nimbe les corps, les visages, et en fait jaillir à la fois la fragilité et la bouleversante réalité.


Souvent très proche de ses sujets, ne reprenant de la distance que lorsque le scénario l’impose, la caméra suit la rencontre de ces deux jeunes gens à demi liés par le sang. Frère et sœur par leur père uniquement, d’abord aussi farouches l’un que l’autre, puis découvrant leur commune blessure dans l’éloignement que leur a infligé, à tous deux, leur père (Will Ash).


Dans un premier temps, Leigh est souvent montrée en train de marcher avec détermination vers les buts qu’elle s’est fixés. On perçoit toutefois que ce déplacement est en quelque sorte immobile, et que cette énergie ne la conduit à rien, comme lors de la scène récurrente où son envol sur le cheval d’arçon la précipite dans une cuve d’amortissement où elle peut aller jusqu’à s’endormir. Il lui faudra la soudaine mise au contact avec une bande de motards un peu voyous dont le chef (Billy Mogford) l’amène à relever de nouveaux défis, pour que, par l’intermédiaire de Joe, elle apprenne à vectoriser sa trajectoire et à ne plus habiter seulement l’air, mais à explorer le nouvel ancrage qu’apporte un lien de sang, si neuf et déroutant soit-il.


Le synopsis peut faire craindre une ènième success story sur le dépassement de soi et de ses limites physiques. Malgré la figure très attachante et éminemment complexe de l’entraîneuse (Sharlene Whyte), cette très prometteuse réalisation d’Eva Riley nous emporte bien au-delà, sur le fil hypersensible et très subtilement noué qui permet la construction d’un individu et qui le guide vers la découverte des promesses de l’existence.

AnneSchneider
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le 26 juin 2020

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Anne Schneider

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