Arnold Fanck aidé de G.W. Pabst (pour les enjeux romancés et de prises studio), nous livre un récit d'aventure en milieu hostile filmant son sujet favori. La montagne. Si belle et impressionnante, au soleil réconfortant pour revenir plus terrible encore par ses changements d'humeur, aux grands souffles venteux que l'on imagine puissants. La musique de Heinz Roemheld jouera d'envolées dramatiques bien sonores, presque à l'identique qui viennent en résonance des nombreux plans montagneux. Malgré la beauté du site, Fanck accentue son statisme ambiant en multipliant les jeux de variations des sommets et de ses arêtes et s'il est pionnier en la matière, on pourra trouver le temps long par ses scènes étirées.

Cette mise en valeur des décors naturels aura le mérite de souligner le danger encouru à filmer et à se hisser sur le Piz Palü lui-même, à l'aide de tout un matériel certainement bien lourd. Les techniques de grimpe pointent les risques par le peu d'outils, les alpinistes s'accrochant aux parois à mains nus dans le vent glacial, vêtus de petites vestes ajustées, laissent perplexes. On s'amuse alors d'une descente de ski un tantinet aléatoire de Leni Riefenstahl, et du futur pilote, tranquillement affairé dans un salon bourgeois avant d'être de nouveau gagné par l'aventure et partir à la rescousse du groupe. Ernst Udet ancien pilote de chasse, reconverti en acteur de cinéma, prend tout son temps pour nous faire profiter durant 10 minutes de ses loopings et autres cascades en rase-motte.

Si l'histoire est d'une grande banalité, la mise en scène use de quelques effets qui impressionnent par les corps tombant dans les crevasses -malgré que l'inertie des mannequins soit bien visible-. La difficulté des sauvetages et ce climat changeant par des avalanches systématiques à rendre compte du danger même pour les plus expérimentés, rappelle à cette particularité des hommes à vouloir toujours, dominer et soumettre la montagne, et les villageois réveillés pour porter secours à un groupe de jeunes surpris par une avalanche leur apportera une résolution qui ne prend pas de gants avec les inconscients.

Si le Piz Palü est à l'honneur, la caractérisation des personnages est, elle, bien faiblarde, aux encarts écrits des plus parcimonieux et le trio reste plus souvent sur sa crête à attendre les secours. Ernst Petersen, reste un second rôle laissant la place à une sorte de romance platonique -voire intrusive- de son épouse Maria pour Johannes, à introduire un peu lourdement la rédemption tant attendue de cet homme veuf et tourmenté et l'actrice de nous faire profiter de ses grands yeux interrogatifs. Gustav Diessl sera le personnage le plus intéressant venant en miroir, toute proportion gardée, des propres variations du site par ses changements d'expressions, oscillant entre la déprime sévère et le sursaut vital, le mutisme et le don de soi.

Enfin, L’Enfer blanc du Piz Palü séduira en tout cas par son regard presque documentaire et son esthétisme. Les plus belles scènes étant celles de nuit, teintées de fantastique, les clairs obscurs et les jeux de lumière sur la glace, dans la pénombre des crevasses, au noir et blanc contrasté et à la profondeur de champs immersive.



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le 31 déc. 2022

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