Il y a des films qu'on croise, et il y en a qui restent ; L'enfant miroir est de ceux-là, d'une très grande puissance visuelle et formelle. De manière métaphorique, c'est la fin de l'enfance d'un petit garçon, Seth, dans une maison américaine des années 1950, loin de tout, où se trouvent seulement des champs à perte de vue. Seth n'a que peu d'amis, mais tout autour de lui tourne autour de l'horreur et de la mort ; son père prostré à cause d'un secret sexuel inavouable, sa mère aux limites de la folie, le retour du frère prodigue (excellent Viggo Mortensen) marqué par la guerre du Pacifique dont il revient tout juste et une jeune voisine, nommée Dolphin Blue, que le garçon prend pour une vampire, sans doute à cause de son aspect juvénile.


Philip Ridley, en plus d'être réalisateur, est également peintre et photographe ; ce qui aide sans doute à composer des plans que je trouve incroyables, on croirait voir des peintures d'Andrew Wyeth ou Edward Hopper, avec ces champs de blé à perte de vue, où la maison familiale semble parfois filmée comme l'entrée de l'enfer, car c'est vraiment une existence misérable dans laquelle vit ce petit Seth, qui se réfugie en quelque sorte dans les croyances, le vampire, pour éluder sans doute la réalité qu'il vit. Ce qui explique sans doute son manque d'émotivité, car il va voir des choses très dures, et même le seul jeu qu'il s'amuse à faire, c'est-à-dire exploser un crapaud près de Dolphin Blue pour qu'elle soit couverte de sang, est dans le morbide.


Arrive à mi-parcours le personnage interprété par Viggo Mortensen, bien plus âgé que Seth, et qui est vu comme un modèle, au point que Seth est un pot de colle pour lui, toujours collé à ses basques. Sans expliquer ce qui va lui arriver, il représente lui aussi une fin, comme tous les personnages du film, qui vont avoir pour la plupart une horrible destinée. A ce titre, le dernier plan est un des plus forts du cinéma, qui fait comprendre qu'en une seconde, l'enfance est terminée pour passer à quelque chose, la réalité.


Considéré comme le Terrence Mallick anglais (trois films en plus de trente ans de carrière), il faut se rappeler que Philip Ridley a signé L'enfant miroir alors qu'il n'avait que 25 ans ; mais sa confiance en lui sur les choix des cadres, des plans majestueux, sur la rigueur du scénario, tout cela me rappelle un certain... Paul Thomas Anderson. C'est dire à quel point je place au Panthéon ce film extraordinaire.

Boubakar
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le 11 mai 2020

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