Dans la vallée des critiques négatives j'avance seul et ne crains aucun mal.


-Qu'est-ce que tu veux ?
-Je veux votre avis sur l'affaire.
-Je suis au rencard. Ça n'a pas d'intérêt la vie d'un flic au rencard.
-Il lui a éclaté les pieds, les radios montrent plus de 70 débris d'os enfoncés dans la chair. Il lui a découpé les lèvres, lui a tailladé les seins, j'en passe.
-Désolé j'ai des responsabilités ici.
-C'est pas plus mal. Quand j'ai lu votre dossier j'ai eu envie de gerber. J'aurais dû en rester là. Le Chiffre.
-Comment tu t'es démerdé pour que ce ne soit pas la CRIM qui est l'affaire ?
-Ils avaient classé le premier meurtre. C'est moi qui l'ai ressorti du placard.
-C'est ton premier tueur en série ? Tu as constitué un groupe d'enquête ?
-Non.
-Tu le veux pour toi tout seul hein petit ? T'en as mis du temps avant de venir me voir. Passe me prendre demain.
-Vous prendre?
-T'as pas lu mon dossier jusqu'au bout. On m'a même sucré mon permis de conduire.



L'Empire des loups fait vraiment partie de mes thrillers favori, pourtant clairement conspué et dénigré par une majorité de son public. Une résultante que j'ai toujours trouvée très sévère au vu de certaines de ses originalités. Avec cette critique je vais tenter de rendre un peu d'honneur et de sens à cette oeuvre profondément sous-estimée.


L'empire des Loups est un film tiré d'un roman né de l'imagination d'un de mes écrivains français préféré Jean-Christophe Grangé (Les Rivières Pourpres, La Ligne noire, La Dernière Chasse, Sibylle...). Avec ce film le cinéaste Chris Nahon retranscrit l'univers du roman de manière remarquable en y imposant sa propre vision sans y salir le support original. Prendre des initiatives sur une adaptation ne m'a jamais dérangé si elles sont constructives. Une union d'idée parfaitement fusionnée, livrant une enquête démesurée nous projetant dans un véritable enfer où pour s'en sortir il faut faire équipe avec le mal.


L'Empire des loups est un petit bijou relativement surprenant faisant preuve d'une violence intense avec une mise en scène crue qui n'a pas peur de montrer les choses. Un long métrage totalement assumé par son cinéaste qui a l'air de prendre un sacré pied derrière la caméra. Chris Nahon nous tient en haleine tout du long grâce à une intrigue passionnante appuyée par une enquête rondement menée et truffée de rebondissements toujours soutenus d'une brutalité extrême intervertissant avec aisance enquête/action.


On ne peut clairement pas dire de ce film que son récit n'est pas original, bien au contraire. Une intrigue subtilement structurée se démarquant de bien d'autres, mêlant expérience gouvernementale dans le but d'infiltrer le terrorisme, tueur en série, corruption, mafia turque, flic pourrie... un thriller d'envergure d'une grande densité. Un développement judicieux en deux intrigues parallèles n'ayant au départ rien en commun débouchant finalement sur une réunion de ces deux derniers, une structure bien propre au romancier Grange.


Techniquement c'est impeccable, le long-métrage dispose d'une superbe photographie appuyée d'un sous filtre noir et d'un cadrage surprenant grâce à une réalisation particulièrement bien soignée. La mise en scène propose des plans assez personnels et intéressants avec des cadrages assez inventifs et non linéaires bien serrer et efficace, usant de quelques ralentis ingénieux comme avec la scène de la douche.


Certaines séquences sont superbement réalisé, peaufiner au détail près. Il y en a une en particulier que j'idolâtre, c'est la confrontation dans les catacombes entre Jean Reno et Arly Jover d'une intensité forte, dramatiquement captivant avec une ambiance dingue. Cette scène est par ailleurs ma séquence préférée du film.


L'action est efficace pas avare en sensation forte, on a même droit à quelques duels aux corps-à-corps intéressants toujours dans un souci de réalisme. Toutefois j'en viens à regretter que la conclusion ne soit pas plus poussée après la contextualisation de son action.


Le plus surprenant dans L'Empire des loups vient de sa présentation d'une Paris sombre, violente, déprimante cachant un monde inconnu en son sein faisant froid dans le dos. On découvre la partie immergée de Paris déroulant un monde insoupçonnable assez incroyable et par la même affreux, sombre et humide. Tout ces bas fonds entretiennent les mythes, légendes et autres décadences, plus particulièrement la noirceur et la folie humaine d'une vision très sommaire de notre engeance. Une richesse dans ses décors abominables jusqu'au repaire des loups qui est gargantuesque. Une réelle force de proposition !


Au niveau de la composition c'est la surprise générale ! On assiste à un mélange de titres subtil de son électro atmosphériques et de chansons modernes qui fonctionnent bien. Des BO de qualités inattendues pour une production française de ce genre. Composé par Dan Levy et Olivia Merilahti (Olivia Bouyssou) de The Do que je ne connaissais pas jusqu'alors, qui propose pas moins de 26 titres captivants. Mes titres favoris sont : "la vengeance d'Anna", le captivant "Wolves" et le sublissime "Hollow of your Shoulder". En bref, carton plein avec les musiques.


Côté casting c'est le pied avec un réel investissement de la part des trois comédiens principaux. Jean Reno est incroyable. Il est de loin le personnage le plus charismatique dans un rôle surprenant de cynisme, violent, hargneux, dangereux, tortionnaire... il est surnommé Schiffer alias le Fer. Avec Schiffer Jean Reno sort de son confort de jeu habituel, se transcendant remarquablement pour coller à 100% à son rôle. Il est vraiment captivant, c'est ce Jean Reno-là que j'adore; un acteur talentueux qui dans des films n'usant pas de facilité se révèle toujours charismatique.


Arly Jover s'en sort elle aussi parfaitement bien avec son alter égal Anna, sans aucun doute le personnage le plus troublant. Le fond psychologique utilisé sur elle est des plus saisissants. Elle est mystérieuse autant vertueuse. Vient ensuite l'acteur Jocelyn Quivrin alias Inspecteur Paul que je ne connaissais pas du tout avant ce film et qui a fait son petit effet. Un petit nouveau dans le cinéma français à l'époque que j'avais hâte de retrouver mais qui a malheureusement disparu du cinéma français.


Le comédien David Kammenos dans le rôle d'Azer Zeki le terroriste psychopathe est mon plus gros regret pas pour son interprétation qui est convaincante, mais pour son temps d'apparition. C'est vraiment dommage car c'est un psychopathe très nuancé qui méritait un peu plus d'attention, surtout lorsqu'on connaît la relation qui l'uni à Anna et pourquoi il assassinait aussi violemment ses proies. Du potentiel un peu gâché même s' il est vrai que Schiffer par Jean Reno est tellement imposant qu'il lui aurait malgré tout volé la vedette. Cependant quand on a un meurtrier pouvant faire frémir Hannibal lui-même on se doit de le développer.



-La victime est de sexe féminin, de race caucasienne. À son tonus musculaire, elle avait entre 20 et 30 ans. Comme les deux autres elle était rousse, mesurée environ 1m70.
-Tatouage, trace de henné ? Oreille percé ?
-Non.
-Marque de couture ?
-Possible, un boulot manuel sans doute.
-Parle nous de ça.
- J'ai dénombré 27 entailles, de plus en plus profondes. Une torture qui a durée des heures.
-Comment ça des heures ?
-Oui elle a résisté, ses liens se sont progressivement enfoncé dans la chair.
-Quelle arme ?
-Une lame crantée. Certainement un couteau de commando comme pour les deux premières.
-Et en bas, il a fait comme les 2 autres ?
-Ici c'est différent. Je pense qu'il a utilisé quelque chose de vivant.
-De vivant ?
-Un rongeur, sûrement un rat. Les organes génitaux ont été mordus et déchirés jusqu'à l'utérus.
-Et ça ?
-Tarses et métatarses et phalanges broyées. Il s'est acharné avec un objet confondant. Barre de fer ou batte de baseball.
-Al-Falaqua!
-Quoi ?
-Al-Falaqua, c'est une méthode de tortue propre à la Turquie. Le visage ?
-Manifestement c'est son obsession. Le nez à été tranché, les lèvres coupées. Surtout il a pratiqué sur les 3 des brûlures spécifiques comme des chevrons. Toutes les mutilations ont été exécuté post mortem.
-C'est pas le premier tueur à avoir un rituel.
-Ce type là est différent. Il ne laisse aucune trace d'activité sexuelle. Il lave ses victimes avec grand soins. Ils leur curent même les ongles. Un vrai travail de scientifique. C'est un obsédé du mal et pourtant il ne perd à aucun moment les pédales. Le terme de ''tueur ordonné'' comme on dit dans les manuels de criminologie à rarement été aussi approprié.
-C'est tout ?
-C'est déjà pas mal.



CONCLUSION:


L'empire des loups est un thriller d'une violence rare et d'une efficacité redoutable qui ma totalement embarqué dans sa folie. L'action est présente tout du long accompagnée d'un scénario complexe d'originalité qui bonifie le tout. L'intrigue présente un personnage iconique avec "Schiffer alias le Fer" joué par un excellent Jean Reno. Une oeuvre délivrant un univers densément glauque techniquement et visuellement parfait, servi d'une composition impeccable.


Une petite perle noire que l'on doit au travail conjugué du réalisateur Chris Nahon et de l'écrivain Jean-Christophe Grangé qui clairement ne mérite pas son mauvais traitement.

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