Autopsie d’une trilogie : acte V ou l’expansion du tout

Rappel de mes propos préliminaires : à la suite des heures consécutives sur le dernier jeu tiré de l'univers et de la lecture navrante d'une critique sur l'un des opus de la Prélogie, l'envie s'est fait sentir de repartir dans les tréfonds de mon enfance et d'affronter l'un des piliers de ma culture cinématographique. Je ne cacherai pas que je suis l'un de ces enfants de la "génération Prélogie" (dîtes aussi génération "Septembre 2001", à vous de choisir) mais je vais essayer de dépasser la subjectivité inhérente à ce que m'ont fait ressentir ces trois opus. Poursuivant donc ma réflexion, l’heure est venue d’affronter l’Evangile selon Saint George Lucas et en toute logique, le deuxième opus de cette saga, définitivement pas comme les autres…

Une fois le succès planétaire engagé, Lucas se lance pour défi d’étoffer sa mythologie. S’il pense rapidement à neuf films, Lucas le sait, la technologie lui fait défaut. Pleinement engagé dans l’embryon de son Skywalker Ranch et du merchandising de son univers, Lucas prend acte de la lourdeur de la réalisation d’un film tel Star Wars. Passablement épuisé par le tournage du premier, Lucas se tourne vers son mentor réalisateur Irvin Kershner pour assurer la partie technique. Evidemment Lucas ne saura jamais vraiment se détacher de son bébé et restera pleinement impliqué dans le processus créatif.


La cruelle ironie pour Lucas est que ce « cinquième » opus est unanimement salué par la critique et par les fans. L’un des rares qui fasse consensus par-delà les générations. Un beau signal, non ? Parmi tous les films, ceux où Lucas est le moins impliqué mettent d’accord.

L’ancien professeur de Lucas est donc chargé de poursuivre les aventures trépidantes de Luc Cours-le-ciel et de ses amis, assisté pour cela du casting original. Et d’une mythologie déjà bien implantée. Charge donc à tout ce petit monde de développer l’Univers. La tâche est lourde, émotionnellement et économiquement.


Force est de constater que le pari fut plus réussi. Oui, aucun surprise ici, cet opus est une réussite indéniable.


Ce qui pose tout de suite le cadre mine de rien, c’est le titre. Contrebalançant le côté valeureux et positif du premier opus dans lequel un régime oppressif subit une lourde défaite, ce deuxième appelle une vengeance qu’on attend terrible. Surtout que le film garde des atouts. Dark Vador a survécu et sera certainement l’antagoniste principal, traquant nos héros inlassablement, par ailleurs confirmé dans le texte déroulant. Mais surtout, le public averti sait qu’au moins une grande menace ne s’est pas encore révélée : l’énigmatique Empereur mentionné brièvement dans Un Nouvel Espoir.


Le spectateur comprend que la tonalité ne sera pas là même. L’Empire-Contre-Attaque sera plus sombre. Aux ennemis de marquer un point. Une sensation que nous retrouverons d’ailleurs à l’époque de La Revanche des Sith… Lucas comprend qu’alterner entre la lumière et l’obscurité permet de garder un univers aussi attractif que cohérent.


Nos personnages préférés doivent perdre pour mieux se relever. Personne ne savait à quel point ils y perdraient. Et c’est l’une des plus grandes forces du film. Cet opus se sait inséré dans une histoire plus longue. Il fonctionne de facto moins en vase close. Il n’est qu’une étape dans un parcours initiatique. Pourtant, il est si essentiel. A tous les égards. C’est clairement la suite qui aura le plus impacté la direction mythologique de Star Wars, qui marquera au fer rouge les personnages et les spectateurs. Et si tous les regards se tourneront -encore une fois- vers Luke, je me tournerai vers un autre personnage.


Plus faire-valoir qu’intéressant dans le premier opus, Han Solo prend toutes ses marques dans cette suite.


Ainsi, après notre Princesse immortelle, c’est au contrebandier le plus charmeur de la Galaxie de prendre la lumière.


Comprenons-nous. Des trois personnages principaux de cette trilogie, je considère que Han Solo a l’arc le plus accompli. Si toute l’attention se concentre sur Luke, il y a ce côté « destiné à » qui m’a toujours paru trop facile. Pourtant, je suis encore d’avis que le rôle de Solo dans le IV représente plus une fraude qu’autre chose.


Harrison Ford n’est pas en cause évidemment. Même servi par des dialogues abscons, il donne vie au Capitaine Han Solo. Cependant, à l’instar d’un Lando Calrissian, on essaye désespérément de nous vendre des roublards, contrebandiers et égoïstes.


Dans les deux cas, la même chose se passe. A la moindre des difficultés des « gentils » (les purs, les vrais), nos tellement-égoïstes-pas-si-gentils foncent la tête baissée, près à devenir des cibles de l’Empire. Quelle roublardise !


Je ne sais pas si Lucas cherchait à travers le personnage de Lando à compenser ce qu’il avait échoué avec Han, mais force est de constater qu’ils n’ont pas pu s’empêcher encore une fois d’en faire un gentil « en puissance » qui n’a pas demandé grand-chose pour virer sa cuti. A moins que cela soit inévitable, au fond ? Finalement, le seul personnage similaire dans l’Univers qui a réussi à garder sa vraie nature de contrebandier, c’est Hondo Ohnaka (aperçu dans les séries Clone Wars et Rebels, sujet de futurs critiques…)


La seule facette que Lucas et Cie soient arrivés à maîtriser dans le personnage de Han, c’est sa mutation. Passer de contrebandier à tête de pont de la Rébellion, c’est une sacré épopée morale tout de même.


Et cette mutation s’opère progressivement. Globalement absente dans le IV, c’est Leia qui met les pieds dans le plat au début du V. Alors que Han souhaite quitter les rebelles pour s’occuper de son petit problème de dette auprès de Jabba le Hutt, Leia cherche -assez maladroitement- à le retenir en rappelant son autorité naturelle et ses capacités qui seront utiles aux rebelles.

Et d’autorité, il en sera question dans cet opus. Où, à de nombreuses reprises, Han Solo forcera le reste à ses amis à le suivre, sans contestations possibles. Bien qu’il commette l’erreur de croire en Calrissian, lorsque l’heure des conséquences arrive, il ne flanche pas. C'est sur une note éminemment triste, (-« I love you », -« I know ») qu’Han achève sa mutation. S’il se réveille (et il le sera, inutile de vous inquiéter les enfants), c’est un autre homme qui prendra sa place. Plus mature et ne cherchant plus à se défausser. Aboutissant à une conclusion relativement naturelle dans le VI.


Heureusement que Disney, en poursuivant l’histoire, a pris en compte toutes ces informations et ces parcours de vie au lieu de repartir au début. Heureusement. Sinon, imaginez le gâchis...


Finalement, et là est le sens de mon propos, Star Wars, c’est aussi ça. Des personnages qui évoluent au-delà des affaires des Jedi et des Sith. Et qui ne règlent pas tous leurs soucis avec des sabre-lasers. Et de cette trilogie, et spécifiquement dans cet opus, c’est Han Solo qui se distingue. Il a le meilleur arc et les meilleurs lignes de dialogue. Pendant que Luke part faire du camping, c’est bien Han Solo qui va tout faire pour exfiltrer Leia. Il finit congeler, certes, mais avec tous ses membres, lui.


Blague à part, Luke semble volontairement mis en retrait. En exil sur une planète marécageuse, il laisse toute sa place à Han Solo et Leia qui deviennent le centre de gravité du scénario. L’Empire-Contre-Attaque est d’abord une histoire sur les péripéties du Faucon Millenium. D’abord et surtout.


Pour dépasser le simple cas de Han Solo et des personnages, il faut, je le pense, s’accorder sur un point.


Si Un Nouvel Espoir résultait plus des délires mégalomaniaques d’un génie précoce du cinéma, L’Empire-Contre-Attaque acte son passage à la maturité. Les équipes techniques maîtrisent encore plus leur sujet. Les bases scénaristiques du premier permettent à ce film de se déployer sans perdre du temps en exposition et en explication. Et le casting est déjà bien identifié. Le ton du film, son propos général, est bien plus stimulant.


Le simple combat "David contre Goliath" s’étoffe, ce qui se ressent, notamment, sur la psychologie des personnages. Vador dépasse son simple statut de « méchant ». Son lien à Luke crée une brèche dans la confortable dualité du bien contre le mal. La trahison de Lando met à mal le charme irrésistible des contrebandiers auquel on était habitué.


Lucas a alors la main libre pour pousser son univers. L’arrivée de Yoda et le lien entre Vador et Luke seront les deux gros apports de cet opus. N’oublions pas non plus la mention d’un autre espoir que Luke par Yoda et Obi-Wan, ouvrant de ce fait un nouvel arc. C’est à partir de ce film que le concept de la Force commence à s’éclaircir, même si Lucas gardera astucieusement une certaine partie de mystère. Pourtant, avec les capacités télékinésistes et le « fantôme » d’Obi-Wan, la Force dévoile de belles opportunités. Ce qui donne de très belles scènes qui ont marqué tous les spectateurs. Qui n’a pas frissonné lorsque Yoda soulève le X-Wing coincé dans le marais ? Qui n’a pas été terrifié par la grotte sombre ? Que de moments où le spectateur est submergé par les émotions.


Pour poursuivre sur cette lancé, il est toujours de rappeler que John Williams maîtrise toujours son sujet. Star Wars est ce qu’il est grâce à la parfaite transcription d’émotions par la musique. Pas une seule scène n’est pas parfaitement complétée par une bande-sonore de qualité, que ça soit sur Hoth ou les courses-poursuites dans l’espace. Même après toutes ces années, je suis toujours bluffé.


Comme lors du précédent opus, les équipes techniques accomplissent des miracles en donnant vie à cette galaxie. Pour avoir regardé de nombreuses vidéos de comparaison entre les différentes versions, je suis d’avis que Lucas a eu globalement raison de lifter cette trilogie, des années après leur sortie. Les films, ont certes perdu en authenticité, mais ils n’ont clairement pas perdu leur âme. Si on pense, notamment à la Cité des Nuages, on gagne clairement en spectacle avec le retravail des nouvelles versions. La Cité est beaucoup plus ouverte, lumineuse et impressionnante. De même, l’Empereur retravaillé est plus cohérent avec le VI, vu qu’on passe d’un proto-lézard à la tête de Ian McDiarmid, incarnant le tristement célèbre Empereur, dès l’épisode VI.


Je n’aurai connu, en tant que néo-spectateur, que des versions 2.0 ou même 3.0. Pourtant, il faut rester honnête, Lucas n’a pas dénaturé sa propre création. Les fims gardent une saveur de création des années 70-80 ; tout en considérant que Star Wars, à travers ses équipes techniques, a clairement été en avance sur son temps. Il suffit de voir le nombre de films essayant désespérément de capitaliser sur ses prouesses techniques, encore aujourd’hui. Disney ne s’y est pas trompé, en tentant de capitaliser uniquement sur cette nostalgie, très maladroitement, il faut le rappeler.


P.S. : Oui, je soutiens la presque-divinisation générale et populaire. Ce film est clairement bon. Tout, des décors à l’accompagnement musical, de l’humour à l’ambiance tragique, cette œuvre coche toutes les cases. 9/10. Coup de cœur. Dernier mot.

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le 4 sept. 2022

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