Je pars du principe que toute œuvre d'art, en particulier les films mainstream, est de la propagande, puisqu'elle véhicule les idées de l'auteur, les partage. Certains auteurs se montrent plus radicaux, d'autres font preuve d'un peu plus de subtilité en présentant des contre-arguments, en admettant que leurs idées ne sont pas forcément les meilleures, qu'elles ont des failles. Dans le cas de "L'école est à nous", l'auteur opte pour l'option numéro un, à savoir se montrer radical. Dans son film, les gentils sont ceux qui ne croient pas en la note et qui supposent qu'un élève laissé en autonomie sera forcément un bon élève, car il se créera sa curiosité ; les méchants sont ceux qui ne parviennent pas à évoluer, qui restent coincés dans leur besoin de tout noter, cela se ressent au travers de leur comportement souvent tyrannique et intolérant. Dans ce film, il n'y a pas vraiment d'entre deux, tout au plus des profs un peu perdus qui appliquent le règlement mais qui vont trouver une révélation au contact de cette prof formidable. Je trouve ça dommage que ce ne soit pas mesuré.


Je suis enseignant et je suis d'accord pour dire qu'il faudrait trouver un système qui permettrait d'évaluer sans que ce ne soit juste un amas de notes dépourvues de sens. Mais pour que cela soit possible, c'est toute l'éducation qui doit changer : moins d'élèves par classe, plus d'enseignants pour encadrer les élèves, plus de moyens, plus de possibilités ; la société entière doit changer aussi, parce que l'école sert à insérer le jeune adulte dans la société, et lui dire que les chiffres n'importent pas pour ensuite le lâcher dans une société dominée par le chiffre, c'est créer des futurs inadaptés. Maintenant il est possible de trouver un entre-deux ; je ne parle pas de couleurs en guise de points ni d'une simplification abjecte et philosophiquement problématique 'acquis/non acquis/en cours d'acquisition', mais bien d'un moyen de conserver les points tout en leur redonnant du sens ; de remanier l'enseignement, certains programmes, oui, mais sans chercher uniquement à copier un pays voisin, plutôt en partant de ce qui marche chez soi pour générer un meilleur enseignement en corrigeant les défauts, et en tâtonnant certainement, parce que chaque société a ses spécificités, reprendre une solution du Canada par exemple (le P45) n'apportera rien parce que ce n'est pas la même culture, cela engendrera seulement des frustrations... sauf dans les écoles les plus aisées (qui sont celles qui peuvent s'adapter à toutes les propositions de toutes façons).


Je n'ai pas la solution concrète pour que l'enseignement reprenne de la vigueur, à part quelques clés essentielles qui mettra d'accord tous les profs, quelque soit leur position sur la manière d'enseigner et de noter : financer, donner des sous, payer des cahiers, des bancs, de la peinture, du matériel informatique, des profs, ... certes, c'est un investissement à vide si on se focalise sur le domaine de l'enseignement, mais le retour sur cet investissement viendra d'autres domaines, car les futurs adultes auront les armes nécessaires pour améliorer notre condition, abreuver la plante sèche du pays.


Si je ne suis pas d'accord avec l'idéologie portée par ce film, cela ne veut pas dire que je condamne le film. C'est ça la magie du cinéma, on peut voir des films au discours plus que douteux et malgré tout y trouver des qualités narratives ou scéniques. "L'école est à nous" n'est pas un film parfait, loin de là, mais il comporte de bonnes idées, dont celle d'un huis clos dans une école en pleine grève nationale. C'est un peu facile, un peu naïf, sans doute à cause du message, mais le fait que des élèves vont cohabiter, apprendre à se connaître et s'apprécier pour certains est plaisante. Juste dommage que ce ne soit pas mieux exécuté, que certains personnages tombent à l'eau. Et puis, cette radicalité permet au moins d'amener de vrais méchants, juste dommage qu'ils soient absents une bonne partie du film. Ce n'est pas très comique malgré que ce soit une comédie, mais on y trouve une légèreté qui va bien.


La mise en scène est correcte ; c'est propre, soigné, avec quelques idées plus inspirées que d'autres ; le découpage est lisible et pertinent, le montage est bien rythmé. Les décors sont bien choisis, pas forcément assez exploités malgré le côté huis clos. Les acteurs font un boulot correct, y compris les ados.


Bref, ça se regarde sans problème à condition de ne pas être gêné par l'idéologie du film qui empiète parfois un peu trop sur le développement du scénario.

Fatpooper
6
Écrit par

Créée

le 5 sept. 2023

Critique lue 37 fois

2 j'aime

2 commentaires

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 37 fois

2
2

D'autres avis sur L'École est à nous

L'École est à nous
Ajax-le-Grand
2

Un film qui fait du bien (par les temps qui courent)

L'Ecole est à nous, troisième long métrage réalisé par Alexandre Castagnetti, plus connu pour faire parti du duo La Chanson du dimanche que pour ses très oubliables 2 premiers films, se voudrait,...

le 26 oct. 2022

4 j'aime

1

L'École est à nous
Fatpooper
6

Faites confiance aux élèves

Je pars du principe que toute œuvre d'art, en particulier les films mainstream, est de la propagande, puisqu'elle véhicule les idées de l'auteur, les partage. Certains auteurs se montrent plus...

le 5 sept. 2023

2 j'aime

2

L'École est à nous
Blockhead
4

Critique de L'École est à nous par Blockhead

Une prof de maths tente une expérience : laisser ses élèves faire ce qu’ils veulent… Une comédie « positive » sur l’Éducation nationale, qui sort du lot grâce à la qualité de ses dialogues et au...

le 6 mai 2023

2 j'aime

3

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

121 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

115 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

103 j'aime

55