La clareté dans la confusion.

"...de Marx, nous avons surtout retenu la notion de capital..."
Un vrai film drôle, du temps où le cinema français savait s'amuser.

L'histoire est invraisemblable, les enchainements souvent inexistants. Avant de se heurter à l'impossible, on coupe et on passe à autre chose. Mais aucune importance, nous sommes emportés dans un élan joyeusement dévastateur. Une sorte de vandalisme des idées. Lelouch est un grand directeur d'acteurs et un metteur en scène qui sait jouer de chaque détail et nous avons une incroyable série de scène cultes.

En fait, Lelouch ridiculise l'intellectualisme politique, les grandes théories à la mode. Son idée est donc de mettre entre les mains de voyous qui n'y comprennent rien, mais veulent en tirer de l'argent, les idées des révolutionnaires de salon et des dictateurs en chambre.
C'est Charles Denner (Simon) qui a le privilège d'énoncer la profession de foi du film:
Simon : Bon, si j'ai fait venir toutes ces personnalités, qui nous ont d'ailleurs coûté très cher, hein, je préfère vous prévenir, eh bien, c'est pour que vous vous rendiez compte des contradictions qu'il y a entre les idées, les systèmes, les théories, les pays, les drapeaux. Enfin, j'espère que vous n'avez rien compris !
Aldo : Tu veux dire que tu espères que nous avons bien compris
Simon : Parfait ! Il n'a rien compris, mais c'est parce que vous, vous avez compris que vous n'avez rien compris que vous allez rester au-dessus de cette confusion et gagner beaucoup, beaucoup, mais beaucoup de fric ! Notre nouveau champ d'action, d'après moi, c'est d'utiliser les contradictions de tous ces gens qui disent "aimez-vous les uns les autres" et qui tuent les autres ! Alors, notre spécialité, toujours d'après moi, ce serait d'être les Spécialistes de la clarté dans la confusion. Vous me suivez ? ".

Les dialogues sont jubilatoires et servis par des acteurs habités qui souvent improvisent. Cela donne toute une série de scènes devenues cultes comme la rencontre et l'arrestation de Lino et Aldo tout en italien sans aucun sous-titre, le rêve de revanche d'Aldo sur Lino en un seul plan fixe, Lino qui récupère son gauchiste de fils au commissariat, la leçon d'anglais, la leçon de drague sur la plage, le détournement du boeing avec l'accent belge, etc...
Pour qui a connu cette époque, on retrouve (mais détournés) tous les poncifs en vogue dans les années 70 et pour beaucoup, toujours en usage.

Malheureusement, je crains qu'il n'y ait pas aujourd'hui de réalisateur pour nous faire voir l'absurdité des bêtises qu'on nous raconte à la télé comme Lelouch à su le faire en 1972. Au contraire, je crains qu'ils ne soient plus attirés par "l'esprit parisien" que par "l'esprit critique", tout comme l'étaient les critiques d'art qui ont inspiré le film à Lelouch.

Mais si vous pensez que: "Le capital, c'est foutu. La Cinquième, c'est foutu. Le PC, c'est foutu. La société de consommation, c'est fini tout ça, c'est foutu. Les bagnoles, foutu.",
que: "La politique, c'est du show-business",
que: "Vous savez que le pape, c'est merveilleux... Ça se vend très très bien."
et si vous êtes contre l'autogestion dans les bordels ...
Alors ce film est fait pour vous!