Une bonne ambiance, pour un film un peu décevant dés que la caméra s’éloigne de l’auberge.

Au début des années 90, Tsui Hark relance la mode des Wu Xia Pian, que ce soit en tant que réalisateur ou en tant que producteur, même si bien souvent, la frontière est mince avec lui. En 1990, il produisait et coréalisait (aux côtés de King Hu, Tony Ching Siu-Tung, Ann Hui, Andrew Kam et Raymond Lee) Swordsman. L’année suivante, il lançait Il était une fois en Chine, saga reconnue de six épisodes, et en 1992, c’est le boom. Tsui Hark réalise Il Était une Fois en Chine 2, où Jet Li affronte Donnie Yen, il produit Swordsman 2 que Tony Ching Siu-Tung réalise seul (apparemment), et produit L’Auberge du Dragon, qui nous intéresse ici. Cas intéressant, puisqu’il s’agît d’un remake d’un film de King Hu, qui au départ devait réaliser seul Swordsman. Le but étant bien entendu de moderniser quelque peu le récit, tout en lui rendant hommage. Et si Raymond Lee réalise le film, d’autres noms et diverses anecdotes apparaissent souvent, et il n’est pas rare de remarquer la patte de Tsui Hark sur de nombreuses scènes. Par ailleurs, on remarque une grande différence d’ambiance entre les scènes se déroulant dans l’auberge, et les scènes se déroulant à l’extérieur dans le désert (l’ouverture et la fin du film), les scènes extérieures se voulant un peu plus folles et contrastent donc énormément avec le gros du métrage. Car comme on peut s’en douter, L’Auberge du Dragon est un huit clos, et donc, un film de personnages, un film de complots et de faux semblants.

L’ouverture nous met dans le bain en nous présentant un Donnie Yen chef de la chambre Orientale qui agît pour ses propres intérêts dans le silence. Et malgré la présence de Donnie Yen, on se rend bien vite compte que les duels, peu nombreux, ne sont pas le centre du récit, mais que l’histoire s’intéresse bien plus aux conflits politiques entre deux clans, qui vont se retrouver finalement au sein de l’auberge assez rapidement. Un lieu unique, qui sera donc l’occasion d’approfondir les différents personnages, notamment féminins. Car si Donnie Yen incarne le « grand méchant » de l’histoire et que sa cible est jouée par Tony Leung Ka-Fai (Prison on Fire, Gunmen), les personnages clés de l’histoire, et donc les personnages les plus développés ne seront pas les personnages masculins et importants, mais les personnages forts féminins, au départ secondaire dans l’intrigue. D’un côté, Maggie Cheung, qui brise en 1992 définitivement son image d’actrice potiche dans les comédies diverses de Jackie Chan ou Wong Jing (même si elle jouera encore l’année suivante dans Millionaire Cop de ce dernier), dans le rôle de la gérante de l’auberge, aimant se faire désirer, sensuelle, et surtout, tuant ses clients pour nourrir les clients suivants. De l’autre côté, on retrouve Brigitte Lin (Swordsman 2, True Colours, Les Cendres du Temps, Chungking Express), servante amoureuse et chargée de la protection de Tony Leung Ka-Fai. Bien entendu, l’idée du triangle amoureux arrive bien vite au sein du récit.

Tony Leung Ka-Fai devient la source des problèmes pour le casting féminin, en plus d’être déjà la cible de Donnie Yen. Présenté comme le héros qui devra traverser le récit, il ne devient alors que secondaire pour laisser la place aux deux femmes du casting, plus intéressantes, plus dangereuses également. Maggie Cheung est réellement très sensuelle à l’écran, laissant présager le Green Snake de Tsui Hark l’année suivante, et les relations entre les personnages intéressent. Pour autant, tout n’est pas parfait dans l’Auberge du Dragon. En mettant en avant et en développant les personnages féminins, les personnages masculins eux n’échappent pas à certains clichés, et ne se résumeront parfois qu’à l’incarnation de ce qu’ils devraient être dans l’histoire : le gentil, le méchant. Et comme dit plus haut, si les relations entre les personnages et ces complots et faux semblants passionnent au cœur de l’auberge, le film devient plus classique (narrativement) et plus fou (visuellement) quand il décide de se dérouler dans le désert, et contraste beaucoup trop avec la partie sobre mais intéressante en huit clos. L’absence de tension pour l’intrigue de base rend alors sans doute le final décevant, d’autant plus que certaines idées démentes (la jambe squelette, les personnages ensevelis en quelques secondes) ne trouvent pas vraiment leur place dans un film au départ aussi sérieux. Le métrage dans son ensemble s’en retrouve déséquilibré, bien qu’intéressant et divertissant.
Rick_D__Jacquet
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le 8 juin 2014

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Rick Jacquet

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