Ce film policier revu au Cinéma de Minuit sur la 5 possède une légèreté et un humour peu courants dans le genre. C’est dû autant au talent des acteurs qui jouent chacun leur numéro à la perfection qu’à la finesse du scénario tiré du roman de Stanislas-André Steeman, d’une imagination digne de Pierre Véry.


Tous les pensionnaires du 21 peuvent être des Monsieur Durand (nom du présumé coupable) et il est impossible de deviner la solution de l’énigme à l’avance. La performance la plus marquante est celle du trop méconnu Jean Tissier (surnommé le nonchalant qui passe) qui interprète Lalah-Poor, le fakir (royal). A la fois espiègle et inquiétant, professionnel de la cleptomanie, apportant autant de cruauté que de fantaisie, c’est de lui dont on se souvient spontanément quelques jours après la vision du film. Comme on se souvient aussi de Kid Robert, l’ancien boxeur aveugle (ou pas) interprété par l’ex-champion Jean Despeaux, tout aussi inquiétant et toujours en compagnie de sa complice (possible) l’infirmière érotomane. Et en faisant un petit effort on se souvient aussi d’une autre occupante de la pension  Mlle Cuq (Maximilienne), la romancière jamais publiée. Collin, le petit artisan qui fabrique des pantins sans visage ( génial Pierre Larquey) et le docteur boiteux Théodore Linz qui fouille dans les valises (brutal Noël Roquevert) sont eux aussi des figures de Monsieur Durand tout à fait plausibles. J’allais oublier dans les seconds rôles Raymond Bussière et sa chanson provoc: « J’emmerde les gendarmes et la maréchaussée ». Un beau panier de crabes. Mais tout le monde peut pas s’appeler Corne d’Auroch et avoir droit à des funérailles nationales.


Mais l’étrangeté des personnages et le comique des situations ne se limitent pas aux occupants de la pension du 21 avenue Junot. Le couple mal assorti d’enquêteurs mélange lui aussi innocence et noirceur. Mila Malou (Suzy Delair avec toujours autant d’abattage), chanteuse écervelée, est assez ambiguë puisqu’elle rêve d’être aussi célèbre que l’assassin Monsieur Durand. Que dire encore du commissaire Wens (Pierre Fresnay ), si ce n’est qu’il semble autant sinon plus concerné par l’élégance de sa tenue que par son enquête et qu’il se montre incapable durant la plus grande partie du film de stopper la série d’assassinats.


Clouzot, pour son premier film, fait un coup de maître et montre son perfectionnisme et toute l’étendue sa causticité. L’atmosphère inquiétante du film en fait une des meilleures œuvres de la Continental digne de figurer en bonne place au musée Greven.

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le 18 avr. 2019

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Zolo31

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