L'art de la pensée négative (APN) s'inscrit dans un contexte assez particulier. Depuis que les lois européennes et nationales se sont orientées vers l'autonomie les personnes âgées et personnes en situation de handicap, nous avons assisté à un ébranlement de la prise en charge de ces populations. Partant de ce fait, ce qui tantôt était une population critiquée, dont on a honte et qui doit avoir honte d'elle-même, s'est vu subitement mise sur le devant de la scène. Acclamé comme le courage à l'état pur, l'exemple à suivre même en tant que "valide", la société s'est mise à adopter un ton plus paternaliste, appliquant la politique du "ça va aller" pour guérir les mots. Et si l'évolution des thérapies en psychologie a permis de rectifier le tir en proposant des accompagnements spécialisés, nous avons aussi vu apparaître une forme de synthèse, un conglomérat de la psychologie, des mœurs sociales et du "ça va aller". L'ultra positivisme, hérité de l'entrepreneuriat et des politiques de crunch en utilisant le "bon" stress pour travailler efficacement. Dans ce contexte, le film tente par son histoire de montrer les failles d'une méthode qui n'aboutit à rien, qui ne suffit pas à elle-même. Ainsi, se répéter qu'on est heureux ne signifie pas l'être et les problématiques physiques ne s'effacent pas comme par magie par la suite. Dans une sorte d'explosion des mentalités, le film va alors faire passer ses protagonistes tantôt par le ressentiment, la pitié et enfin une sorte de folie de pure pulsion de vie. Le film tente alors de transmettre 2 postulats :


- Le handicap est quelque chose qui échappe aux valides, qui ne peut être compris, et nécessite la pair-aidance, car eux vivent viscéralement notre quotidien.


- Le deuxième est de montrer que l'apitoiement sur le sort des handicapés n'est pas une solution et que cela cause bien plus de mal à tout le monde que de bien pour les handicapés.



Problème, ces sujets ne sont peu ou pas du tout exploités. APN débute par une renonciation à ce que la société voudrait poser à savoir l'amour de soi impératif, un refus de voir une réalité négativement. Mais cela ne mène à rien. En tentant même d'introduire un cheminement de prise de conscience par les actes qui monte crescendo dans la violence, le film ne parvient pas à clairement emmener le spectateur dans une prise de conscience. Nous ne faisons que vivre la déchéance d'un homme en détresse qui se drogue, vie une détestation de soi intrinsèque et qui va continuer dans cette lancée, mais ce coup-ci, avec d'autres handi sous emprise d'alcool. En une journée, notre personnage est ainsi passé de ce stade de décrépitude à l'acceptation de soi et à son imposition aux yeux du monde. Quand on voit le temps que peut prendre une thérapie, on ne peut que trouver ridicule cette situation. La femme de notre personnage ainsi que le mari de Marth sont effacés d'un revers de la main, et si le mari tente bien de toucher un mot sur la difficulté d'être aidants et d'une certaine manière bloqué dans une situation très inconfortable et dure psychologiquement, force est de constater que les aidants sont à l'issue de ce film les dindons de la farce. Ils se doivent d'être présent tout le temps, dévoués, aimant et ne surtout pas manifester de tristesse ou de fragilité, quand bien même le handicap du conjoint a involontairement brisé son quotidien et sa vie.


Nous pouvons donc dire que la sphère aidant n'est pas traitée, mais travaillant dans ce domaine, cela ne m'étonne guère. Nous pouvons de plus dire que la sphère handicap se conclue donc par des "Fuck you" général. Donc chers amis handicapés, pour aller vers l'acceptation de votre sort et vous préparer à vos futures difficultés, envoyés chier l'univers entier, car telle semble être la solution. Aucune thérapie n'est nécessaire, le changement viendra tout seul, la médiation est inutile ... Bref, une bonne biture et ça repart de plus belle comme si de rien n'était. APN est donc très maladroit dans son propos, on comprend bien où il veut nous emmener, mais malheureusement, le cinéma ne fonctionne pas comme ça. L'implicite doit être claire et l'implicite n'est pas la même chose que l'abstrait. Traiter un sujet au travers d'un autre n'est pas le même travail que faire passer une information au travers d'une image. Si notre héro a compris que sa femme ne veut que lui, qu'il n'est pas un bon à rien et que finalement, à 2 jambes prêt, tout vas encore très bien, pourquoi rien ne nous est dit dans cette optique. C'est bien de dire fuck le monde, nous, on accepte qu'on soit des éclopés et tout le tralala... Mais si derrière la conclusion est positive, que cela ne conclue pas par un suicide ou un renferment définitif dans la solitude, c'est qu'il y a bien eu une lumière qui s'est allumé là-haut. Il y a eu ce qu'on pourrait traduire par une pulsion de vie, un éland positif qui a fait que la vie pouvait continuer à ses yeux, et donc pas une pulsion de mort. On nous a présenté au début une cassette de son mariage qui a mené à la colère et de ressentiment, pourquoi ne pas avoir travaillé sur les souvenirs qui sont si souvent présents dans le film. Entre les photos, les films, les références aux voyages passés, le quotidien et cette cassette de mariage, il y avait moyen de créer des aller-retour entre les souvenirs au rythme de la soirée pour créer une temporalité du deuil, au risque quand bien même d'entendre la critique qu'une soirée ne suffit pas à faire tout ça. Là on n'a rien, et le peu de ce qui reste est très vague. Le tout n'est pas du tout sauvé par une production magnifique, on est dans des standards pathétiques et les dialogues ne sauvent pas spécialement les scènes. Le sujet était donc plus qu'intéressant, la première demi-heure valait la chandelle, puis celle-ci s'est éteinte et a donné lieu à un cirque illogique et décousus. APN est donc une vraie déception d'autant plus grande que le sujet du handicap n'est pas fréquent dans le cinéma.

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le 11 mai 2023

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