Lorsqu'une trilogie débute par un chef d'oeuvre tel que "The Thing" , on se dit qu'il faut nécessairement placer la barre très haute par la suite. Après un "Prince des Ténèbres" intéressant mais qui m'a pour ma part laissé sur ma faim notamment en raison d'un rythme étrange et d'une fin insipide, c'est avec la manière que Carpenter achève sa "Trilogie de l'apocalypse" à travers le personnage de John Trent, médiocre expert en fraude à l'assurance engagé par un éditeur pour enquêter sur la disparition de Sutter Cane, un célèbrissime écrivain dont les livres d'horreur s'écoulent à des millions d'exemplaires à travers le monde, mais possèdent la sulfureuse réputation de perturber les personnes fragiles psychologiquement.


S'il me semble primordial d'évoquer la médiocrité de John Trent, ce n'est en aucun cas pour dévaluer le personnage puisque cette médiocrité fait justement qu'il est taillé pour l'emploi, de par sa manière profondément exaspérante de toujours vouloir rationaliser les choses(non sans orgueil), avec des arguments parfois douteux, mais également de par sa prédisposition à toujours être dépassé par les évènements, ce qui en fait le pantin parfait.


Une des forces de ce film est l'habileté avec laquelle est mise en scène la folie de Trent par Carpenter, un thème qui peut vite être casse gueule pour un réalisateur et nous amener à perdre le fil si celle ci est traitée de manière confuse (comme dans Santa Sangre de Jodorowsky par exemple). Sans pour autant révolutionner le cinéma de par sa manière de traiter le sujet, le génie du 7ème art réussit avec brio et simplicité à présenter celle ci, de manière cohérente si bien qu'on se laisse aisément embarquer avec Trent dans les tréfonds de son esprit et qu'on en ressort forcément dérouté.


S'ajoute à cela une atmosphère particulièrement oppressante, notamment dans la scène du village ou John se retrouve coincé dans sa voiture parmi des villageois "possédés", apocalyptique, et même profondément Lovecraftienne (il y'a fort à parier que si Lovecraft avait eu l'opportunité de se tenir derrière une caméra et réaliser un film, "l'Antre de la Folie" n'aurait rien à lui envier, on peut d'ailleurs se demander si le film n'est pas une réécriture du mythe de Cthulhu en un sens) qui laissent peu de place à l'espoir.


Enfin, le dénouement du film peut selon moi laisser place à deux interprétations différentes(ce qui n'est pas sans rappeler la fin de "The Thing" qui est particulièrement ouverte à plusieurs interprétations), la première, c'est que John Trent serait réellement fou, fin intéressante de la manière dont celle ci a été amenée tout au long du film comme dit plus haut, la seconde, c'est que Trent ne serait pas fou et serait donc réellement un personnage de fiction monté de toute pièce par Sutter Cane, fin qui serait encore plus intéressante selon moi.


D'une manière générale, la force de "L'antre de la folie" réside dans la manière avec laquelle John Carpenter laisse le spectateur dans le flou du début à la fin, amenant deux interprétations extrêmement intéressantes, cristallisées dans une scène d'anthologie d'une vingtaine de secondes où John Trent se rend au cinéma pour voir un film dont il est le héros malgré lui, après s'être échappé de l'asile ou il était interné pour découvrir un monde extérieur en ruine. En bref, une oeuvre majeure de John Carpenter qui clôt magistralement une trilogie d'exception, à voir absolument.

Garniax
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le 22 oct. 2018

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