John Trent, enquêteur hors pair d'une compagnie d'assurance, doit retrouver la trace de Sutter Cane, auteur prolifique de romans d'horreur, dont on attend le prochain roman. Les oeuvres de Cane provoquent d'étranges phénomènes d'hystérie et de violence chez ceux qui les lisent. Cartésien, Trent n'y voit qu'un coup de pub. En assemblant les couvertures des ouvrages précédents de Trent, il trouve la piste d'une ville qui n'apparaît pas sur les cartes récentes : Hobb's End. Il y va avec une attachée de presse de Cane, Linda Styles. Après d'inquiétants phénomènes sur la route, ils y arrivent.
La ville ressemble trait pour trait à ce qui est décrit dans le chapitre 1 du nouveau livre de Cane. Des phénomènes innommables se passent dans les rues de ce qui semblait au premier abord la petite ville américaine par excellence. Styles devient la créature de Cane, qui semble avoir fait un pacte avec les Anciens ou quelque autre puissance occulte lovecraftienne. Cane confie à Trent son livre achevé et le renvoie dans le monde réel. Mais sa puissance y a désormais effet, et Trent, bien qu'il se débarrasse du livre, le retrouve toujours à ses côtés. Alors que le livre est publié, il décide de tuer à la hache les lecteurs de Cane. On l'enferme à l'asile. Mais l'apocalypse le rattrape et le libère. Il sort, dans la ville livrée au chaos, entre dans le cinéma adapté du roman. Il regarde le film, composé de diverses séquences que nous avons déjà vues. Trent, pris d'un rire dément, prend conscience qu'il n'est qu'un personnage de film.
C'est une belle parabole sur le pouvoir d'abolition de la réalité propre à la fiction. Paranoïaque, prenant, le scénario est profondément lovecraftien, et l'on suit la détérioration de la santé mentale de Sam Neill (quel acteur magistral !). Et à l'instar de ses nerfs, ceux du spectateur seront mis à rude épreuve par des effets spéciaux faits à la main, mais d'une grande efficacité. La séquence où Styles sort de la voiture d'une façon pas du tout naturelle était un grand traumatisme à mon premier visionnage, et le reste encore à l'heure actuelle. C'est très con à dire, mais vous allez aimer avoir peur.
Les seconds rôles sont fort chouettes, de la concierge d'hôtel à l'apparition de Charlton Heston en éditeur irresponsable.
La direction artistique est superbe, avec des jeux sur les couleurs ("je vous ai dit que le bleu était ma couleur préférée ?"), sur l'ombre et la lumière fort réussies. La bande-son n'est pas à 100% Carpenter, ce qui change un peu (Le thème de début et de fin est cependant une sorte d'auto-citation proche de la parodie).
Je ne veux pas divulgâcher le contenu, mais c'est une mise en abyme ambitieuse et efficace, et c'est aussi une réflexion sur le montage et le cinéma.
L'antre de la folie n'est pas le plus connu des Carpenter, alors que d'un point de vue artistique, il est un des plus aboutis. C'est un Prince des ténèbres qui ne serait pas fauché. Bien qu'il contienne des images très puissantes, il repose moins sur la seule force iconique des films avec Kurt Russell et fait davantage la part belle à la narration.