La religion et l’homosexualité n’ont jamais fait bon ménage. Et, même si c’est en passe de s’améliorer, la communauté musulmane et l’Islam restent la plupart du temps très fermés et conservateurs sur ce sujet. On a d’ailleurs vu peu d’œuvres qui traitent de cela, peu importe la religion. On peut se souvenir de « Désobéissance » et de « Tu n’aimeras point » pour le judaïsme ou encore de « Le choix d’Ali » pour l’Islam. Ici, Nadir Moknèche ne choisit pas de traiter le sujet de manière vindicative ou virulente. Il se contente de montrer la difficulté pour un jeune gay de vivre pleinement sa sexualité ainsi que le poids du mariage arrangé et des traditions religieuses et familiales dans sa vie de tous les jours. « L’air de la mer rend libre » est à ce titre démonstratif comme il faut mais aucunement dans le jugement. Il montre tout simplement la réalité de manière honnête et en phase avec l’époque et c’est tout à son honneur.
Moknèche n’en est pas à son premier essai concernant les pressions religieuses et sociétales ayant cours au Maghreb. Que ce soit concernant les femmes (« Viva Laldjérie », « Délice Paloma », ...) ou les LGBT (la question transgenre avec son dernier opus « Lola Pater »). Toujours avec finesse, doigté et une acuité indéniable, il montre les dysfonctionnements conservateurs des pays arabes. Encore une fois, sans jamais tomber dans l’excès ou la caricature, il place son sujet dans une réalité plausible et tangible. Jamais manichéen, car on peut se mettre à la place de tous les personnages, « L’air de la mer rend libre » nous touche et nous fait réfléchir avec beaucoup de tact. Le film est court mais chacune des scènes écrites l’est avec beaucoup de soin et y à sa place. Le long-métrage fait le tour de la question en tenant compte des avancées des sociétés modernes. La manière dont est dépeint un jeune gay arabe d’aujourd’hui est pleinement réussie sans tomber dans la caricature. On pense notamment à l’appli de rencontre Grindr ou aux orgies gay baignées dans la drogue et les excès mais qui sont contrebalancées par la belle histoire d’amour du personnage principal avec son amant.
Rien dans « L’air de la mer rend libre » semble volontairement exagéré en bien ou en mal. On est juste face à la réalité et le jeu parfait du duo principal joue pour beaucoup dans le charme et la réussite du film. D’un côté, la jeune Kenza Fortas découverte dans l’immense « Shéhérazade » est impeccable dans la peau d’une jeune épouse frustrée mais obligée de se taire. De l’autre, Youssouf Abi-Ayad est une véritable révélation dans le rôle principal entre charme animal brut et douceur de caractère. Les seconds rôles ne sont pas en reste, de Lubna Azabal à Zahia en passant par Zinedine Soualem. La mise en scène peut paraître un peu timorée et tout juste illustrative mais le sujet s’y prête et ne tolèrerait pas forcément de facéties visuelles. Et la musique jazzy faisant penser aux films de Woody Allen apporte un petit plus indéniable. En revanche, le chapitrage est totalement inutile et n’a aucune raison d’être. Un petit film humble et important, presque humaniste, qui traite son sujet avec simplicité et efficacité.
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