Tourments de la jeunesse au cœur de la nuit parisienne

Le titre vient très probablement d’une chanson du même nom composée par le groupe de synthpop français Elli et Jacno dans les années 80, lesquels l’ont sans doute emprunté à La Fureur de vivre (Nicholas Ray, 1955). Dans cet autre film sur les tourments de l’adolescence, il y a une scène où Judy (Natalie Wood) reçoit une gifle de son père après lui avoir réclamé (avec trop d’insistance) un baiser affectueux. Le petit frère, devant la gêne et l’incompréhension des parents, fait sonner sa mitraillette électronique en criant : "C’est l’âge atomique !". "L’âge où tout va de travers…" reprend la mère avant que Judy ne fugue au beau milieu de la nuit.


Pour en revenir au film de Héléna Klotz, prolongement de son moyen-métrage Val d’or (2011), des audaces assez remarquables du point de vue de la mise en scène sont à signaler. Citons pêle-mêle : la magnifique bande-son électro tout en distorsion de voix et de sons, les lumières qui émaillent la nuit parisienne, la postsynchronisation des dialogues dans la boîte de nuit, la façon "littéraire" de parler des personnages, le choix d’acteurs non-professionnels, la récitation inattendue de poèmes en plein milieu des scènes, la durée du film (à peine plus d’une heure), des personnages qui apparaissent ou disparaissent tels des fantômes… Toutes ces belles idées contribuent à créer une atmosphère envoûtante, étrange, à la lisière du fantastique : l’aube d’une existence où tout est possible.


Certains critiques soulignent la vacuité du propos. Les quelques errements du scénario (rappelons que c’est le premier long métrage de la réalisatrice) peuvent effectivement frustrer et la sophistication de la mise en scène prend le risque d’accentuer l’effet de vide de ce vagabondage poétique. Mais il s’en dégage au final un romantisme singulier et touchant dans lequel chacun des personnages cherche peut-être à "voir" dans le sens donné par Rimbaud (cité dans ce film et référence évidente), qui fait du poète un "voyant" par "un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens" (Lettres du voyant, 1871). L’Âge atomique est bel et bien ce trouble des sens, que l’on peut trouver fascinant ou agaçant.

jroux86
8
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le 16 avr. 2024

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