Comment on arrive dans un rêve? A partir de quel moment on se rend compte qu’on est en train de rêver?
Dans Koko-di koko-da on ne sait pas à partir de quand on bascule mais ce qu’on sait avec certitude, c’est qu’on n’y fait pas de beaux rêves.
Dès la partie introductive censée montrer une image du bonheur, on est frappé par une lumière étrange, par des visages grimmés en lapin qui donnent à leurs propriétaires des têtes de malades, par une étrange femme à la coiffure et au fessier extraordinaires. Même quand ça devrait rouler, on sent un trouble.
Le film va ensuite dérouler sa trame en forme de spirale, comme un labyrinthe qui ne permettrait jamais de savoir d’où on vient et où on va: chaque nouvelle étape est une curiosité et un nouveau motif de malaise, et chaque fois qu’on semble s’échapper on revient au point initial, à ce poids dont on ne peut se défaire.
Il y a dans koko-di koko-da une réminiscence des peurs d’enfant: le réalisateur a intégré à son oeuvre ce qui fait le sel des contes: un mélange de fantastique et de glauque, une façon de mettre des mots et des images sur ses peurs.
L’imagination permet aux personnages dessinés sur une boite à musique de prendre vie, à un théâtre d’ombres de mettre en scène les moments les plus beaux du film, à une comptine de devenir le signal qu’on est encore en train de vivre le même cauchemar.
Ces sortes de retours à l’enfance font échos à la chanson qui veut qu’en chantant koko-di koko-da on perpétue le chant du coq qui vient de mourir.
En vivant dans un enfer peuplé de fantômes de l’enfance c’est la petite fille disparue qu’on convoque.
Elle que les parents n’arrivent pas à laisser partir, qu’ils n'évoquent pas mais dont l’absence pèse sur tout le film.
Le problème c’est que même si le sujet est fort et la façon de l’aborder originale, il est possible de passer à côté d’une grande partie du film, de rester hermétique à certaines situations, de rire à des moments inappropriés, de ne tirer de tout ceci qu’un sentiment de malaise.
Pourtant il y a de l’idée dans la façon de traiter un sujet sensible, et on comprend que chaque parent puisse vivre et gérer les évènements à sa façon, qu’il faut du temps pour aller au bout de la démarche.
Heureusement, la durée de koko-di koko-da permet de limiter l’ennui, de digérer plus facilement ce qu’on nous y a fait vivre, de retrouver le monde réel (vite une toupie pour vérifier si c’est vraiment la réalité).
Le réalisateur a expliqué avoir traité son film comme les rêves dont on peine à s’extraire, qui n’en finissent plus, qu’on revit sans cesse.
C’est peut-être là mon handicap avec ce genre de film: ne me souvenant jamais de ce que je dois vivre dans mon sommeil, je suis étrangère à ce genre de sentiment de rêve éveillé. L’avantage quand on ne se souviens pas de ses rêves, c’est que ça s’applique aux bons comme aux mauvais.
En tout cas c’est un film atypique qui vaut d’être expérimenté, et il a au moins eu l’intérêt de me faire découvrir une nouvelle comptine - il n’y a pas d’âge pour apprendre.