Killing
6.7
Killing

Film de Shinya Tsukamoto (2018)

De retour sur les écrans quatre ans après son adaptation du chef d'oeuvre Les Feux de Shôhei Ooka, le pape du cyberpunk cinématographique, Shinya Tsukamoto, signe un chambara expérimental intéressant sur plusieurs aspects.


Visuellement il parvient en assagissant sa mise en scène, à rendre un travail à la photographie de grande qualité. Ces tics et excès récurrents ont quasiment disparu pour donner une mise en image propre et mesurée. Ce qui chez ce cinéaste au style électrisant, père de Tetsuo the body hammer et de Tokyo Fist surprend le plus, pour une personne comme moi qui en est resté à ces chocs visuels « nineties », c’est cet aspect que l’on peut aisément assimiler à une forme d’assagissement, d'apparence bien sûr...


Avec Killing, un titre plutôt significatif, il propose une incursion dans le monde des samouraïs, ou plutôt des rônins, puisqu’il s’agit d’épéistes solitaires, sans maîtres. Tsuzuki (Sosuke Ikematsu) vient se ressourcer en aidant de braves paysans à cultiver leur modeste terre et éprouve une attirance pour la fille de ces derniers, une jeune femme au caractère bien trempé. Il initie le jeune frère de celle-ci au maniement de l’épée, et écoule des jours paisibles dans ce lieu de sérénité. Mais déjà la sagesse d’apparence du cinéaste explose en vol, lors d’une étrange scène où Tsuzuki met en évidence ses instincts primaires lors d’une sorte de rituel sexuellement ambigüe. Tsukamoto is back.
Quand arrive Sawamura, un rônin expérimenté, interprété par Shinya Tsukamoto lui-même, qui recrute des épéistes afin de rejoindre la capitale Edo pour servir le Shôgunat, ainsi qu’une horde de bandits de grands chemins, l’apparente tranquillité des lieux se transforme rapidement en théâtre de confrontation. Ceci finira bien entendu dans la fureur et le sang.


Lors des joutes que le réalisateur déconstruit par un montage démonté, qui leur ôte toute fluidité, dans cette violence sèche qui s’en dégage, et dans l’allure physique patibulaire et l’aspect sans foi ni loi des bandits, j’ai immédiatement pensé au chef d’œuvre du hongkongais Tsui Hark, The Blade. Même volonté de déshumanisation et de violence primitive.


L’un des aspects intéressants de ce chambara nihiliste, partir d’un semblant de sérénité pour finir dans l’ultra violence, le repos du guerrier s’en trouve mis à mal et c’est dans cette voie que l’auteur d’Hiruko the Goblin trouve le carburant de cette œuvre profondément désespérée sur la condition de l’épéiste. A la manière de Tsui Hark, c’est dans le choix de l’expérimentation des combats, avec un montage à la fois frénétique et totalement désordonné, l’anti chorégraphie en quelque sorte, et de violences primitives visuelles qui en découlent que le film prend toute sa portée symbolique pessimiste et désillusionnée.

Créée

le 27 mai 2020

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