Kiki la petite sorcière
7.3
Kiki la petite sorcière

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1989)

L'un des Miyazaki que je trouve le plus difficile à décrire, car peut-être mineur en regard de sa riche filmographie, et pourtant tout aussi appréciable que ses oeuvres dites les plus abouties. En effet, on ne peut pas dire qu'il s'y passe grand chose de conséquent. Dans la droite lignée de son précédent opus, Mon voisin Totoro, il faut se laisse guider par son rythme léger et pépère, et pourtant rarement ennuyeux dès lors qu'on est gagné par l'enthousiasme de Kiki à la découverte de la vie. Cette jeune sorcière de 13 ans quitte ses parents sur son balais volant, accompagnée de son chat noir, pour venir s'établir en ville et devenir une sorcière accomplie, mais surtout pour devenir une adulte à part entière. Avec elle, on y trouve donc un motif très fort repris plus tard dans Le voyage de Chihiro : le récit d'apprentissage.


On pourrait s'attendre à beaucoup de magie "pure" avec cette histoire de sorcière, mais elle se fait au contraire rare, finement distribuée pour préserver un équilibre entre réalisme et fantaisie, et réduite aux archétypes du genre : un balais volant, et un chat qui parle (ce que les gens acceptent facilement, comme si une vieille tradition oubliée mais toujours vivace existait dans leurs esprits), remplissant la fonction du side-kick comique et trognon. Kiki se contente de son unique talent, voler, pour venir aider une boulangère enceinte à livrer ses clients. Rien de palpitant à première vue, et pourtant la magie carbure à fond les manettes, nourrissant le spectateur des bonnes intentions de Kiki, et du regard amusé et souvent bienveillant des personnes qu'elle rencontre durant ses petites aventures, et qui l'accompagnent durant son initiation de jeune femme.


L'animation n'accuse pas le poids des années, toujours plein de charme et vivante. Après sa participation à la série Sherlock Homes, Miyazaki choisit de nouveau comme cadre une ville d'inspiration européenne résidant au bord de la mer, et le résultat est saisissant avec une multitude de petits détails de la vie quotidienne ou architecturaux invitant à l'évasion des sens la plus totale. Même si le rythme est assez lent, il est pour moi parfait, où l'on suit l'évolution de Kiki qui se comporte comme une grande en prenant ses responsabilités avec beaucoup de sérieux (tandis que ses missions n'ont pas d'autres enjeux que de satisfaire ses clients plus ou moins sympathiques, et prennent parfois une tournure amusante et cocasse où le danger, s'il y a, n'est là que pour tester sa pugnacité et son courage), du moins jusqu'à ce qu'elle perde ses pouvoirs avec un intermède existentiel qui dure un peu trop au risque de lasser le spectateur.


On retrouve vraiment cet "esprit Miyazaki" avec Kiki assumant seule sa place dans le monde, nous communiquant à la fois un sentiment de liberté et de solitude, sans qu'elle soit jamais complètement perdue grâce à un environnement plutôt bienveillant malgré ses premiers pas difficiles, et son optimisme presque sans failles en dépit des petites embûches qu'elle croise. La composition de Joe Hisaishi est aussi très belle et colle bien avec l'atmosphère à la fois marine et aérienne du long-métrage. Miyazaki a donc beaucoup de talent pour faire vivre autant de magie au sein d'un quotidien plutôt banal, avec trois fois rien, visant à renouer avec des valeurs simples et authentiques, où le mérite, la gentillesse, et la générosité, sont toujours finalement récompensés. Il nous offre ainsi un beau portrait de la fin de l'enfance, avec toute la tendresse dont il est capable, mais sans jamais sombrer dans la niaiserie. Revigorant.

Arnaud_Mercadie
8
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le 14 avr. 2017

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Dun

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