Un documentaire exact mais réducteur et hagiographique

Le documentaire, comme son titre l’indique, insiste sur le cinéma politique de Ken Loach, qui est un rebelle (pour lui, « être rebelle, c’est être humain ») : d’où sa plus grande difficulté à réaliser des films sous le premier ministère de Margaret Thatcher (1979-1990), où son documentaire sur la « trahison » des syndicats britanniques ne sera pas diffusé, ni pendant, ni après. Ce qualificatif de rebelle est bien réel mais partiel (tous ses films ne sont pas cités parmi les 32) et parfois le documentaire est trop hagiographique car manquant de distance et de critique (vision parfois simpliste du capitalisme et de la lutte contre lui). Pour Ken Loach, un film ne change pas le monde mais pousse les spectateurs à s’intéresser à un problème. Et de citer le vote de la loi sur l’avortement en 1967 (« Abortion Act 1967 ») après la diffusion de son téléfilm « Cathy come home ». Il est important de savoir qu’il a débuté à la télévision, ce qui explique certainement sa capacité à tourner vite, pas cher et avec une photographie réaliste, authentique, proche du documentaire. Malgré tout, Loach n’est pas prophète en son pays, malgré sa reconnaissance internationale et ses 2 palmes d’or pour « Le vent se lève « (2006) et « Moi, Daniel Blake » (2016). Ses films doivent beaucoup, d’abord, aux scénarios de son complice Paul Laverty, cadet de 21 ans (depuis 1995, à partir de son 14e film, « Carla’ song ») et ensuite à son talent de mise de mise en scène où il réussit à tirer le meilleur des acteurs, y compris de non-professionnels (qui ne disposent que de fragments du scénario). Personnellement, je trouve qu’il est plus talentueux et virulent qu’un Carlos Saura (1932-2023) qui eut son heure de gloire pendant la dictature franquiste mais il n’a pas la flamboyance d’un Douglas Sirk (1897-1987) ou l’efficacité des thrillers politiques d’un Costa-Gavras (qui a décrit des situations en Grèce, en Tchécoslovaquie, en Uruguay, au Chili, en Israël, aux Etats-Unis, au Vatican) et il se rapproche plus d’un cinéaste engagé et révolté comme René Vautier (1928-2015), avec une photographie proche du documentaire, montrant un Royaume-Uni sous ses jours peu attirants (grisaille du quotidien des banlieues et des quartiers pauvres).

bougnat44
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le 21 févr. 2024

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