Voici un film d'André Cayattte, réalisé en 1950, qui analyse le fonctionnement de la justice dans le cadre d'un sujet très clivant encore aujourd'hui, l'euthanasie.
Le sujet est difficile dans la mesure où il concerne une relation - intime - de confiance - entre deux individus qui ne devrait strictement ne concerner qu'eux. C'est le cas dans ce film où un malade incurable et qui souffre demande - officiellement - à quelqu'un (ici, sa maîtresse) de l'aider à mourir.
Mais la justice civile finit par s'en mêler quand l'acte est mis en évidence, sans parler des curés, dont on on connait l'opposition de principe, qui vont tout faire pour manipuler l'opinion publique.


Le problème que soulève André Cayatte dans le film est double.
D'abord, les lois pénales ne concernent que l'acte de tuer qui est répréhensible et assimilent sans nuance l'acte d'accompagner un malade incurable qui souffre ou encore l'acte d'accélérer ce que la nature se charge de faire. J'entends par là, que les lois pénales ne sont pas adaptées à ce cas d'autant que la religion - au moins catholique - brouille les cartes en assimilant l'acte d'euthanasie à un meurtre. Logiquement, l'accusation va déplacer le problème sur l'intérêt que pouvait avoir celle qui a fait l'acte d'euthanasie car en effet, elle hérite d'une fortune (qu'elle aurait eu de toute façon).
Et puis, le fonctionnement d'un procès d'assises qui par son système à vote majoritaire peut montrer une certaine faillibilité du jury par comparaison, par exemple, avec le système américain qui doit décider de la culpabilité à l'unanimité seulement. Il en est de même pour évaluer la présence ou non de circonstances atténuantes.


Ensuite, place au cinéma et à la mise en scène des divers jurés et du juge pendant le procès. Cayatte présente chacun des jurés dans son propre contexte socio-professionnel ou privé. On s'aperçoit que les jurés vont réagir en fonction de leur propre personnalité ou en fonction de leurs propres problèmes personnels : Marcel Peres, toujours excellent, dont le personnage ne cesse de penser à ses pommes de terre qu'il n'a pas pu planter à cause de cette obligation d'être juré ou encore Jacques Castelot dans le rôle d'un homme à femmes qui fuit son ex-épouse ou encore l'excellentissime Noël Roquevert, dans un habituel rôle d'ancien militaire de la Coloniale, xénophobe, borné et intolérant face aux siens, ...


L'ami Cayatte force parfois la note sur ses personnages hauts en couleur mais nous allons juste dire que c'est pour les besoins d'en faire un film attractif et pourquoi pas, didactique.


D'ailleurs, le film compte une floppée d'acteurs spécialisés dans les seconds rôles des années 50 - 60. Outre ceux déjà mentionnés, il y a Balpêtré en juge, Bussières en barman qui devient juré et prend son rôle très à cœur avec sa petite cour pour le soutenir, Jean Vilar en curé réac qui ne mâche pas ses mots, Michel Auclair, Anouk Ferjac, Dita Parlo, Paul Frankeur, Albert Michel en gendarme et même Pierre Fresnay en voix off. Et j'en oublie probablement.


En guise de conclusion, Cayatte ne va pas prendre partie pour ou contre. La fin du film reste complètement ouverte mais interroge sur la pertinence du jugement rendu. Je trouve personnellement ce film très intéressant dans la mesure où il remet - à sa juste place - le débat du droit d'un être humain de choisir d'abréger sa vie et de s'y faire aider.
Et le sujet de l'euthanasie reste - en France - toujours d'actualité bien qu'on observe, ici et là, quelques timides avancées.

JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films d'André Cayatte

Créée

le 2 févr. 2022

Critique lue 169 fois

10 j'aime

3 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 169 fois

10
3

D'autres avis sur Justice est faite

Justice est faite
JeanG55
8

Justice est faite

Voici un film d'André Cayattte, réalisé en 1950, qui analyse le fonctionnement de la justice dans le cadre d'un sujet très clivant encore aujourd'hui, l'euthanasie. Le sujet est difficile dans la...

le 2 févr. 2022

10 j'aime

3

Justice est faite
ServalReturns
8

La vérité, rien que la vérité, ce film est brillant

Très fort, j’ai adoré. Je suis globalement assez friand des films de procès, toujours propices à de grandes envolées et joutes verbales – et ainsi de grands numéros d’acteurs –, mais je dois bien...

le 15 janv. 2023

2 j'aime

2

Justice est faite
Papadopoulos
9

Je ne m'attendais pas à ca

Seule sur mon lit d'hôpital et gavée d'ennui je cherche un film soporifique et je lis fortuitement "film de procès". Parfait, me dis-je, dans 1/2 h je dors.Mais finalement non, je suis restée...

le 11 oct. 2023

1 j'aime

Du même critique

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

23 j'aime

19

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

22 j'aime

9

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

21 j'aime

5