Juste ce qu’il faut

En ce [Mercredi des Cendres] *, début de Carême faisons donc acte de charité chrétienne en nous fendant d’une critique aussi aimable que justifiée envers ce relatif OVNI qu’est Juste Ciel !

J’ai lu ici en ces colonne que le scénario tenait sur un post-it. Quantité de films et non des moindres répondent à cette définition lapidaire. On pourrait même dire que c’est ce qui est demandé puisque c’est la définition même du pitch. Mais de « Un naïf doit convoyer une voiture remplie d’or et de drogue à son insu. Ça va mal se passer » à « Un présentateur météo en reportage dans la campagne profonde va se réveiller et revivre la même journée tous les jours » en passant par « Un figurant Hindou invité par erreur à la soirée du producteur va commettre gaffes sur gaffes », on pouvait bien se permettre un « Pour sauver un Ephad, des religieuses décident de remporter une course de vélo quitte à tricher ».

Ceci étant posé, Juste Ciel ! tient ses promesses. Une comédie déconnante, saine avec ce qu’il faut de dérapages dans le péché véniel, bien mise en scène *, un peu con-con parfois, très fin ailleurs, mais avec des trouvailles, sincère et surtout poilante. Oui : drôle, ce truc si particulier qui fait qu’on rit à une situation, une réplique. Et qui, d’après ce que j’ai pu en lire, ferait cruellement défaut au dernier Astérix.

De la même manière que la série des Gendarmes n’était pas un film contre la maréchaussée, Juste Ciel ! nous fait marrer avec des religieuses sans être ricanant ou sacrilège. Cousinage d’esprit qui m’autorise à reconnaître que s'il y a quelque chose de légèrement désuet dans le film c’est, outre son absence de vulgarité et de facilité si contemporaines, précisément le fait que ce ne soit pas un film anti-catho. Je vais plus loin, je pense même que c’est ce qui a inconsciemment dû énerver plus d’un de ses détracteurs.

N’étant pas un film religieux au sens confit et prosélyte du terme il se débrouille néanmoins très bien pour illustrer les trois vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité, excusez du peu, tout en nous parlant de vélo. Certes, ce n’est pas le mix entre Des hommes et des Dieux et De toutes nos forces mais Laurent Tirard connaît manifestement son sujet et tout en les faisant se vautrer à vélo, porte un regard tendre sur ses bonnes sœurs. Grâce à un casting impeccable, chacune est à sa place, dans son rôle, en parfaite harmonie avec les autres ou le monde… céleste comme terrestre qui les entoure. Il parvient ainsi à composer une communauté cohérente et peut alors jouer avec les rituels (la battle de bénédicité) ou des ressorts psychologiques (le fantasme du voyage à Rome, par delà les dérapages en séance de selfies, n’est pas qu’une farce si l’on se met cinq minutes dans la peau de la Mère Sup’ d’une petite congrégation de province).

Certes enfin, une bonne part du film est clairement annoncé dans la B-A mais à l’instar d’un menu dans un bon restau, si l'on a une idée de ce que l’on va voir, on n’en est que plus agréablement surpris en le découvrant.

Bref, Juste Ciel ! ravira petits et grands, les cathos, les pas cathos, les anars (il y a des gros mots), les amateurs de randonnées (il y a plein de paysages) et ceux de de Fred Poulet.

* J’ai un peu traîné…

** À part un changement de plan exécrable dans le réfectoire qui m’a mis un cocard par sa violence, une sorte de viol de la règles des 180°, le truc qu’un monteur ne s’autorise en désespoir de cause que parce qu’il n’a rien d’autre à se mettre sous la colleuse mais doit à tout prix caser un putain de plan.