Jurassic World 3, ou comment rater un film qui avait tout pour satisfaire le public.

Je suis de la génération qui a découvert les trois premiers Jurassic Park en DVD.

Les deux premiers, réalisé par le maître Spielberg, sont des chefs d'oeuvres, nous transportant sur ces îles du Costa Rica où se mêlent magie et frissons. On craignait pour les personnages, qui étaient humains, comme nous, qui avaient peur, comme nous, qui pouvaient y passer.

Le troisième épisode, bien que court et au scénario appauvri, a le mérite d'offrir une dernière balade sur Isla Sorna. Nouveau bestiaire et aventures agréables à suivre malgré les incohérences font de ce film un épisode dispensable mais honnête.

J'attendais la sortie de Jurassic World en 2015 comme le messie : pour un enfant de 13 ans, voir enfin ces dinosaures sur grand écran était un évènement.

Aujourd'hui, Jurassic World est pour moi un blockbuster de bonne facture. Un bon film, qui pendant deux heures nous fait voyager dans le parc. Cependant, hors un court plan-séquence lors de la bataille finale et les deux premières scène de l'Indominus Rex, on sentait que Trevorrow n'était pas un artiste. Le film n'a aucune identité visuelle, pas de réel objet autre que de jouer la carte simpliste de la nostalgie.

Sa suite en revanche, Fallen Kingdomn bénéficie du savoir-faire de son réalisateur, Bayona. Même si le scénario simplissime équivaut à son prédécesseur, la musique, la réalisation et les effets spéciaux surpassent de très loin l'opus de 2015. Cet opus est pour moi le meilleur de la nouvelle trilogie.

Fallen Kingdom se conclut par l'envoi de dinosaures en liberté sur le monde entier, laissant aux fans le loisir de s'imaginer les meilleures scènes de carnage qui annonçait un troisième film au pire divertissant, au mieux grandiose.

Mais ce troisième film ne va jamais nous montrer la cohabitation humains/dinosaures. Pire encore, il l'évite.

La quasi-totalité des scènes de cohabitation (excepté la scène à Malte et quelques courts plans à la fin du métrage) sont présentés dans les 10 premières minutes. Aucun carnage, pas même le sentiment d'un danger. Aucune tension ne se dégage (la scène d'ouverture est risible : l'animal apparaissant en moins de 10 secondes, ne permettant aucune tension ou enjeu). Les dinosaures sont présents sans aucuns effets sur le mode de vie des humains, un comble pour cet opus sous-titré "le monde d'après".

Puis après ses 45 premières minutes, le film nous amène dans une sorte de parc, fermant définitivement les portes au carnage que l'on pouvait espérer.

Le fan et le spectateur se sentent trahis : depuis 1993 on attendait la venue des reptiles sur le continent, Trevorrow nous méprise totalement en voulant, certainement pour satisfaire son ego, faire un copié-collé du premier Jurassic Park. La magie et le talent en moins.

Un fois la déception passé (ne pas voir les dinosaures cohabiter et menacer les humains), le film est-il cependant bon ?

Le retour des acteurs du film original est grossier, amener vulgairement. On revoit certes les mêmes acteurs pour chacun d'eux, mais où est le charisme de ces derniers ? A aucun moment nous n'avons l'impression de voir Grant, Sattler ou Malcolm (ce dernier ne servant que de ressort comique) à l'écran, juste des marionnettes, lisant leurs lignes de dialogues en songeant au chèque encaissé une fois le film tourné. Même le nouveau méchant est à jeter, ce n'est qu'une pâle copie d'un Steve Jobs mégalo et tyrannique.

Les personnages de Claire et Owen restent fidèles à eux-mêmes : cliché, inintéressant. Intouchable aussi : ils ne sont pas les hommes et femmes lambda de la vie courante. Ce sont des personnages d'action inviolables et sacrés, que le scénario protège.

Ce n'est donc pas par son scénario avare en termes de victimes des sauriens, ou même de frissons, que le spectateur pourra se consoler.

La musique, qui a toujours eu une importance capitale dans la saga, est ici quelconque. Sympathique pendant le film, mais vide lorsqu'on l'écoute sans l'image. On a la reprise évidement des thèmes des cinq films précédents, mais aucune nouvelle mélodie ne va envouter l'auditeur. Et pourtant le compositeur n'est autre que Giachinno, qui a déjà fait jurassic world 1 et 2 (la bande originale du deuxième étant grandiose), the batman, ratatouille...Le plus grand compositeur de films à l'heure actuelle ne s'est pas vraiment donné la peine.

Et pourtant, ô combien sa musique aurait pu sauver les meubles du naufrage cinématographique qu'est ce film. C'est simple : Trevorrow ne sait pas réaliser un film. Sa gestion calamiteuse de l'espace dans les scènes d'action rend illisible certains plans, qui défilent à vitesse grand V, grande mode du blockbuster actuel nuisant pourtant à l'immersion dans la scène. Seul une scène (sur 2h30 de film) reste efficace, mais hélas c'est bien peu pour rattraper la paresse inégalable du reste de la réalisation.

Les dinosaures eux-mêmes ne sont plus impressionnants. Ce sont des attractions, ne représentant aucun danger pour les personnages, servant juste à agiter griffes et crocs devant la caméra. Les espèces sont interchangeables entre les scènes. Aucun mystère quant à leur apparence : toutes sont révélés de plein jour dès leur apparition. Les dinosaures sont juste un prétexte à l'action.

Que reste-il du film pour satisfaire le spectateur ?

Les scènes d'actions et "blagues" à la Marvel se succèdent, gardant éveillé le spectateur, à défaut de l'intéresser. Le bestiaire d'un film Jurassic n'a jamais été aussi gros et varié et chaque nouvelle espèce a le droit à son moment de gloire.

Les effets spéciaux sont majoritairement bons. Or quelques plans où l'on se demande comment l'équipe de post-production a pu laisser passer ça, les animatroniques (mention spéciale à la scène du marché noir, véritable hommage à Tatooine et aux effets spéciaux pratiques) et les CGI sont de très bonnes factures. Et heureusement pour un film à 165M de dollars.

Le développement du personnage de Maisie reste intéressant, sans pour autant aller au bout de des idées, pourtant pertinentes pour notre époque.

Jurassic World le Monde d'après est le pire film de la saga Jurassic. Ne donnant jamais au spectateur le carnage dont il rêve, le film se moque même de lui en le ramenant dans un pseudo-parc, et des moments sanglants se comptant sur les doigts d'une main de Baryonyx (c'est-à-dire trois doigts). Et ce sacrifice ne sert même pas à approfondir le scénario, qui multiplie les fausses notes et incohérences.

Un échec total, comme Hollywood seul sait le faire, bien épaulé par un Trevorrow narcissique, pensant pouvoir copier vulgairement le génie de Spielberg. Ne pas savoir manier une caméra à ce niveau-là ce n'est pas de la bêtise, c'est un art.

J'encourage personnellement Trevorrow à s'inscrire sur Parcoursup, car non vraiment, le cinéma ce n'est pas fait pour lui.