A l’image de The Ballad Of Cable Hogue, Junior Bonner est un film nostalgique sur le Far West devenu un vestige du passé, dans lequel les cow-boys endossent leur tenue et font le spectacle. Tenir huit secondes sur le dos d’un taureau puissant et déchaîné, tel est le pari de ce desperado boitillant interprété par Steve McQueen, véritable star des rodéos. Au-delà de la compétition, il prend cet exploit à bras le corps en se donnant l’impression de revivre la grande chevauchée.


Au-delà de l’aspect crépusculaire, empreinte remarquable du cinéma de Peckinpah, Junior Bonner évoque de manière forte émouvante les retrouvailles avec la famille. Un grand sentimental ce bloody Sam. La relation avec le frère qui a pris le pas de l’ère moderne finit par un coup de poing et un passage à travers une baie vitrée, tout ça filmé au ralenti bien sûr. Un bon coup de poing dans la gueule ne remplacera jamais une bonne fusillade, mais l’incarnation du beau geste magnifié se doit d’être illustrée par cette action virile, le carburant du cowboy, avec le whisky. Les parents, une mère interprétée par Ida Lupino, la femme fatale à la cigarette du film-noir, émouvante, parfaite incarnation d’un passé rassurant, celui sur l’épaule de qui se repose les durs à cuire quand vient l’après. Puis le père, carré et rugueux, interprété par le vétéran, encore un, Robert Preston souvent vu dans des seconds rôles chez De Mille ou Tay Garnett, malgré son âge il parvient à s’affranchir des tenailles d’une sœur hospitalière pour reprendre le galop à côté du fiston, et de parader comme des dingues. Father and son. La tronche incontournable du cinéma de bloody Sam, Ben Johnson est là aussi, toujours paré pour une bonne vieille horde sauvage.


Tout ça semble désuet. Les cowboys et leur accoutrement, ces vieilles figures d’un temps passé, font illusion en paradant avec clowns et fanfares. L’aspect serein, presque optimiste, du film donne un sentiment d’idéal chatoyant, une époque dans laquelle il fait bon vivre. Mais déjà les fantômes du déraillement rôdent. Le défilé avec sa foule bien rangée, qui s’apprête à immortaliser la chose d’un cliché, pour dire « j’y étais » évoque le certain bain de foule d'un certain président quelque part dans une certaine ville du Texas. Bientôt le rêve américain laissera place à la désillusion.


On est dans les années 70 et bloody Sam y a fait rentrer son genre de prédilection, l'histoire des Etats-Unis. Il continuera par la suite de magnifier la chute des corps et sa gestuelle fabuleuse dans des westerns modernes désenchantés où les canons sciés remplaceront les colts et les voitures décapotables, les chevaux.

philippequevillart
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le 24 nov. 2019

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