Mon rapport au cinéma d'Almodovar est assez particulier. Je l'ai découvert, un peu comme tout le monde, vers la fin des années 80, quand il commençait à percer au travers de comédies. J'aimais énormément son cinéma de cette époque, léger, vif, coquin, ensoleillé, ... Mais c'est véritablement à la fin des années 90 qu'il m'a mis K.o. Avec Tout Sur Ma Mère, son cinéma prenait une tout autre ampleur! Véritable condensé d'émotion, ce film reste, pour moi, un des plus puissants des années 90. Trois ans plus tard, il sortait un deuxième chef-d'oeuvre d'affilée avec Parle Avec Elle. C'était fait, j'étais devenu fanatique du maître espagnol! Malheureusement la suite ne s'est pas passé comme je l'espérais... La mauvaise éducation et Volver mon moins touché, Étreinte Brisées m'a sensiblement ennuyé et La Piel que Habito et les Amants passagers m'ont vraiment perdu...


Autant dire que c'est vraiment avec des pieds de plomb que je me suis rendu en salle pour voir son dernier opus Julieta. Et la surprise n'en fut que plus belle! En choisissant la simplicité Almodovar à prit la directive idéale! Julieta n'est rien d'autre qu'un portrait de femme, une chronique s'étalant sur 30 ans. Autant dire que l'espagnol est en terrain connu. Et pour un des cinéastes qui filme le mieux des femmes, c'est quasiment un jeu d'enfant. Alors certes, on peut avoir l'impression qu'Almodovar ne s'est pas foulé et a été au plus facile. Qu'il est loin d'atteindre les sommets de sensibilité de Tout Sur Ma Mère. Mais se serait passer à côté de toutes les qualités de ce très beau Julieta.


Car au-delà du portrait d'une femme, c'est à celui d'une mère qu'il nous présente. Au travers du non-dit, de choix cornélien entre ce qu'il faut dire, ce qu'il faut cacher, ce que l'on croit juste et ce que l'autre ressent, c'est toute l'éducation d'une enfant qui nous est livrée. Avec énormément de justesse, sans jamais jugé ni la mère, ni la fille, l'on suit un parcours, finalement très banal, qui a mené à une rupture. Entre des évidences que l'on ne voit pas, des douleurs que l'on cache, des secrets moins cachés qu'on ne le croit, l'on réalise que nous commettons tous des erreurs chaque jour. Que même si nos attentions sont louables, il est difficile de concevoir comment elles seront interprétées.


Mais la grande force de cette fable est de ne jamais nous donner de marche à suivre. Est-ce que Julieta a été une bonne mère? Assurément! Est-ce que Antia est une enfant ingrate? Certainement pas! Qui est responsable de cette rupture entre les deux? Malheureusement personne... La vie est ainsi faite, de choix, de petites interprétations qui ont de grandes conséquences... Ce sont véritablement les dernières minutes du film nous permettront de saisir d'où vient l'incompréhension. Nos choix n'existent qu'au travers de notre vécu, mais les années perdues à l'atteindre ne pourra jamais être rattrapé... C'est le message, assez tragique en somme, de ce portrait simple mais très réussi.

cuervo_jones
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le 20 mai 2016

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