Jujutsu Kaisen 0
6.7
Jujutsu Kaisen 0

Long-métrage d'animation de Park Seong-Hu (2021)

Dans la lignée des derniers gros hits du manga Shonen Nekketsu, Jujutsu Kaisen est une bête qui a bénéficié d’une véritable acclamation auprès de ses lecteurs et d’un traitement de faveur pour son adaptation en animé japonais. Gros morceau aux côtés de My Hero Academia et de Demon Slayer dans la même catégorie à la dernière décennie et malgré ses reproches souvent formulés à répétition par plusieurs fans des anciennes générations de manga, Gege Akutami s’est imposé avec son style graphique simple et rugueux, ainsi que ses inspirations au mieux évidentes, au pire trop voyantes à ses débuts (Naruto étant celui qui revient le plus souvent) mais il réussit à se distinguer en apprenant des erreurs souvent formulé à l’encontre de ses aînés et a cultiver une vraie personnalité qui n’appartient qu’à lui, en plus de faire preuve d’audace au fur et à mesure de ses récits. Sans pour autant oublier de trouver un bon équilibre entre comédie et tragédie, et de créer une alchimie efficace avec les rôles principaux en plus d’avoir une galerie d’antagonistes bien fournie qui suscitent l’intérêt (Suguru Geto et Mahito notamment) et des scénettes post-crédit souvent drôle en plus de nous rendre plus proche de ce petit monde.


Ma découverte en animé s’est révélé très agréable en dépit de diverses réserves conservés une fois la première saison terminée. Et la sortie du film Jujutsu Kaisen 0 adaptant des événements antérieurs à l’intrigue du manga en cours est une très bonne occasion d’aborder cela puisque ce préquel focalisé sur le personnage d’Okkotsu Yuta reprend beaucoup des qualités de l’animé et de l’œuvre d’origine mais il est également désignable pour les soucis qui subsistent en plus de quelques autres propre à l’histoire que les studios Mappa et Park Seong-Hu mettent en scène.


Les bases sont d’abord réintroduites sous les yeux du garçon maudit, qui se distingue largement de Yuji Itadori en termes de background et de caractérisation : victime et bourreau malgré lui d’une malédiction lui collant à la peau, renfermée sur lui-même et sa propre culpabilité suite au décès accidentel de Rika et ce que cela a impliqué, Yuta suit un cheminement de base similaire mais se détache très vite de Yuji par sa nature plus chétive, craintive mais comme Yuji sujet à une épée de Damoclès sur les épaules plus investissant émotionnellement en raison des problèmes de longues dates qu'il inspire.


D'autant que cela permet à nouveau d'évoquer la moralité douteuse des têtes pensantes de l'ordre des exorcistes et leur extrémisme dans leur manière de résoudre les problèmes épineux comme ici ou avec Yuji, et de rappeler la place que joue Gojo contre cet ordre qu'il n'approuve pas et qu'au delà de ses airs de professeur moqueur et tête en l'air, il est bien loin d'être aussi insouciant qu'il semble le faire croire.


Qui de mieux d’ailleurs que le trio de première à l’école d’exorciste de Tokyo (ici élève de secondes, les événements prenant lieu près d’un an avant l’arrivée de Yuji) pour replonger dans cet univers ? Maki Zenin, Toge et Panda avaient déjà fait une bonne impression lors de l’arc du tournoi des exorcistes de Tokyo et Kyoto, chacun a droit à une mise en avant réussie dans le travail de soi que doit faire Yuta. Maki Zenin se montre plus sèche et intransigeante sans être inaccessible, le rapport instauré entre Toge et Yuta sur leur fardeau respectif créer une bonne complicité entre eux et Panda est toujours de bon écoute et porteur de bonne conscience au sein du trio en plus d’être celui par qui, avec Satoru Gojo, l’humour passera le plus.


J’avais entendu dire que Gojo était plutôt effacé dans le préquel à l’origine, et il est clair qu’il est plutôt mis en retrait mais c’est un mal pour un bien, le film cultivant suffisamment d’énigme autour de sa relation passée avec Suguru Geto et le destin de celui-ci par rapport à l’animé ou il tire les ficelles dans l’ombre. D’autant que même réduit, la présence de Gojo n’est jamais totalement évincé et qu’il ne cesse pas de me faire sourire en plus d’être un rôle bien cultivé ici et là sur son positionnement au sein de l’ordre des exorcistes.


Et en parlant de mystère, il y en a un qui suscite bien des questionnements et dont la philosophie justifiant ses méfaits intrigue de plus en plus (pour ceux qui n’ont vu que l’animé ET n’ont pas dépassé le tome 8 du manga) : Suguru Geto, maître des fléaux dont les motivations sont partiellement dévoilées avec une psychologie plus que cohérente sur sa manière de voir le monde ainsi que la place des exorcistes par rapport aux êtres humains normaux (sa folie allant jusqu’à considérer le rôle de base des exorcistes comme absurde en prenant le cas de Yuta en cause, lui qui a été victime de harcèlement plus d’une fois des humains normaux que lui et ses amis sont censé protéger), en plus d’être impliqué dans ses coups et un être fasciné qui réussit à ne pas sombrer dans le grotesque


(sa manière de recruter les fléaux sous la couverture d'une secte, jouant à la fois rôle de bienfaiteur auprès des gens simple et d'escroc face aux fortunés capable de financer son ordre).


Néanmoins, on peut regretter que la confrontation vendue par la campagne marketing entre lui et Yuta n’aille pas aussi loin qu’on aurait pu l’imaginer, surtout en sachant que chacun aborde leur rôle en tant qu’exorciste de manière très différente. Entre l’un qui s’ouvre enfin à des gens qui lui sont semblables et l’autre qui s’est refermé dans un égo démesuré sur laquelle il base sa vision du monde, on peut se dire qu’il y avait bien des éléments qui auraient pu enrichir cette première confrontation


(dont les exorcistes à la solde de Geto et la fameuse parade des 1000 fléaux qui sert davantage de teasing et de bonus pour les fans de l’animé comme le fameux enchaînement des 4 rayons noirs de Kento Nanami ou Mei Mei montrée en action avant d’être mise sur le devant de la scène dans la prochaine saison prévue en 2023)


, peut-être Akutami et Mappa ont-ils hésité à en rajouter davantage à cause du statut de préquel du tome 0 à l’origine.


Alors que pourtant, la transcendance visuelle dont a bénéficié Jujutsu Kaisen jusqu’à maintenant était une occasion en or pour aller au-delà. Car oui, rendons à César ce qui est à César, graphiquement les artistes de Mappa savent y faire : les designs des personnages ainsi que leurs traits et la physique rattrapent largement le style souvent brouillon sur le plan visuel du mangaka avec ses planches qui peuvent rebuter, le mouvement est décomposé avec beaucoup de soin et l’action est absolument démentielle en termes de lisibilité, de découpage et de mouvement bien mieux rendu qu’avec le format papier. Rien de ce qui est choisi n’a l’air gratuit ou juste là pour se la péter et l’action trouve généralement un bon dosage avec les intrigues (là ou le troisième film d’animation My Hero Academia se la pétait trop sur le plan technique et faisait souvent le strict minimum niveau narration).


Sachant qu’Akutami a prit pour habitude de se focaliser sur le cœur et l’essence même des événements et des relations entre ses personnages, Jujutsu Kaisen jouit le plus souvent de ce choix narratif bien qu’ici on ait parfois l’impression de suivre un film découpé en 3/4 chapitres avec moins de fluidité sur ce plan


(toute la bataille de Tokyo et de Kyoto contre les fléaux passent au second plan étant donné que tous les autres exorcistes ou presque sont, à ce moment-là, de parfait inconnus à l’exception de Gojo et des élèves de l’école d’exorciste de Kyoto, même le combat contre Miguel n'est qu'un amuse bouche, certes appétissant, mais qui ne dépasse pas ce stade)


et toujours un manque d’attardement parfois bienvenu pour suivre la progression physique, psychologique ou émotionnel des personnages


(je pense à Yuta et son évolution au sein de l’école ainsi que sa formation avec l’ellipse de 3 mois entre sa première mission et le deuxième tiers du film).


Pourtant Akutami démontre qu’il est capable de se poser et de créer convenablement des temps morts nous laissant le temps d’être avec eux et de les apprécier à leur valeur


(l'ouverture de Maki envers Yuta sur ce qui la motive à suivre la voie des exorcistes et sa volonté de rébellion contre le clan Zenin, c’est le genre de moment que je regrette de ne pas voir davantage en manga ou en animé)


d’autant qu’il est loin d’être un mauvais dialoguiste et que lorsque ce sont les situations d’urgence, il sait quel rythme imposer et Mappa semble très bien comprendre son travail avec la version animé de l’œuvre


(la seconde mission de Yuta aux côtés de Toge ou celui-ci démontre son empathie pour Yuta).


Pour en revenir à ce qui marche, la qualité musicale est toujours en rendez-vous avec toujours une bonne diversité sur ce plan entre instrumentations plus lourde qui semble sorti d’un survival horror, du rock énergique et soutenu, et des airs plus doux également le moment venu. Les compositeurs Hiroaki Tsutsumi ainsi qu’Arisa Okehazama, ainsi que le guitariste Yoshimasa Terui avaient déjà rendu un résultat agréablement hétérogène sur l’identité musicale de l’animé, le rendu l’est tout autant ici avec ce préquel.


A noter que si la version originale est toujours aussi déchaînée, le doublage français n’a pas à être envieux puisqu’il bénéficie (tout comme Demon Slayer) du simuldub lui permettant de faire tourner les comédiens selon les rôles et donc d’avoir une grande diversité vocale. Parmi les nouveaux, Alexandre Nguyen qui n’en est plus à son coup d’essai retranscrit très bien la fragilité de Yuta, tandis qu’Alice Orsat sait faire peur dans le dos ou afficher l’innocence de Rika selon sa forme, Mark Lesser s’éclate à jouer l’insouciant Satoru Gojo depuis ses débuts et ça ne change pas ici et les autres comédiens déjà de la partie depuis l’animé savent très bien ce qu’ils ont à jouer (dont Martial Le Minoux en Geto qui trouve un des rôles les plus intéressants à jouer depuis un bail en animé japonais).


Mappa et Seong-Hu réussissent avec succès à délivrer un divertissement qui apportent bon nombre de choses en plus à cet univers, démontrant à nouveau leur savoir faire visuel et nous faisant apprécier des personnages qu’on avait déjà abordé dans la série débutée en 2020 en plus d’introduire efficacement une nouvelle tête solide. Mais l’envie de se focaliser sur l’essentiel aux détriments de scènes de vies plus relâché ainsi que l’aspect un peu teasing du dernier tiers avec les caméos ici et là


(Mei Mei et Kento Nanami notamment, et Miguel peut-être dont le nom m’était totalement inconnu jusque là)


pour capter l’intention avant l’arc Shibuya prochainement en animé empêchent l’impact émotionnel d’être aussi profonde qu’il aurait pu l’être. Néanmoins, son existence est justifiée à la vue de l’importance que certaines têtes joueront ici plus tard et il constitue une très bonne porte d’entrée dans l’œuvre de Gege Akutami pour quiconque qui souhaiterait s’y essayer.

Maxime_T__Freslon
7

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Créée

le 18 mars 2022

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