Réalisé par Stanley Kramer et sorti aux États-Unis en 1961, Jugement à Nuremberg met en œuvre l’un des plus grands procès de l’histoire : le procès de Nuremberg, qui a pour but de juger les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par les nazis au cours de la Seconde Guerre mondiale.



  • Un casting de rêve -


Kramer parvient à réunir un casting de choix : Spencer Tracy, Burt Lancaster, Richard Widmarck, Maximilian Schell, Judy Garland ou encore Montgomery Clift !


Mais, s’il y a une actrice qui semble se démarquer, c’est bien Marlène Dietrich. Victime de la montée du nazisme en Allemagne Dietrich a rejoint les États-Unis en 1937. Elle s’est alors engagée dans des spectacles qui devaient remonter le moral des soldats américains. Cela lui a d’ailleurs valu une médaille honorifique à la fin du conflit. C’est la raison pour laquelle Kramer lui propose un rôle dans son film. À noter qu’en plus de cela, Kramer lui laisse une certaine liberté dans sa façon de jouer.



  • La fiction au service de l’histoire -


Un long générique de plusieurs minutes, rythmé par un chant allemand qu’on pouvait entendre lors des congrès du parti nazi à Nuremberg, de 1933 à 1938, nous place tout de suite dans le contexte. D’ailleurs, le générique est animé par des images du Reichsparteitagsgelände, lieu où se tenaient ces congrès. Symboliquement, le générique prend fin avec l’explosion de la gigantesque croix gammée qui surplombe l’enceinte, traduisant la chute de l’Allemagne nazie. Cela se poursuit avec les premiers plans du film qui mettent à l’œuvre un premier protagoniste, le juge Haywood, qui gagne le logis qui va l’héberger pendant le procès en traversant les rues de Nuremberg encore en ruine, trois ans après la fin de la bataille d’Allemagne et les bombardements alliés sur la ville.


Le film se penche sur le procès de quatre juges nazis (personnages fictifs), accusés d’avoir mis en place des lois raciales. Trois d’entre eux plaident non-coupable. À noter que dans la réalité, très peu ont plaidé coupable. Le quatrième reste toutefois le plus intéressant. Il s’agit de Ernst Janning (interprété par Lancaster). Il refuse de s’exprimer, laissant son avocat (interprété par Schell) prendre la parole. S’ouvre alors un premier discours de ce dernier, posant les bases d’une réflexion qui va nous mettre en haleine tout le long du film. (cf. rubrique sur la réflexion).



  • La richesse historique du film -


Riche d’éléments historique, le film Jugement à Nuremberg fait régulièrement référence à des événements qui ont marqué la Seconde Guerre mondiale, comme les images d’archive qui sont projetées lors du procès, images présentant l’atrocité du génocide des juifs d’Europe. Il y a aussi l’évocation du massacre de Baugnez, crime de guerre commis par l’armée allemande lors de la bataille des Ardennes en 1944. Enfin, on peut aussi citer la promenade du juge Haywood qui traverse l’ancienne enceinte où se déroulaient les congrès du parti nazi. Lorsqu’il passe devant la tribune où Hitler tenait ses discours, on peut entendre en fond des extraits de ces discours, probablement tirés du Triomphe de la volonté. Kramer semble alors nous replonger dans l’histoire et l’enfer de la Seconde Guerre mondiale, conflit marqué par l’anéantissement de la communauté juive d’Europe et plusieurs crimes de guerre commis par l’armée allemande. On soulignera aussi que ce film est réalisé seulement quelques années après les faits, en pleine Guerre froide. D’ailleurs, Jugement à Nuremberg est l’un des premiers films à traiter de ce sujet.



  • Un film qui suscite de la réflexion -


Le procès des quatre juges dans jugement à Nuremberg amène à réfléchir sur la culpabilité de ces derniers, sur leur niveau d’implication dans les crimes commis et au-delà, sur l’implication du peuple allemand en général. Kramer nous tient dans cette boucle de réflexion tout le long du film, même en dehors des séances du procès (cf. discussion du juge Haywood avec ses hébergeurs ou madame Berthold) et fait évoluer les questionnements à travers les différentes argumentations tenues par les personnages.


Ces bases de réflexion sont posées par l’avocat de Janning, Hans Rolfe, qui tient un premier discours au début du procès sur la culpabilité des juges qui ont appliqué les lois du IIIe Reich, mettant en cause le patriotisme. Les juges sont-ils vraiment coupables ?


D’ailleurs, j’ai trouvé Maximilian Schell vraiment exceptionnel du début à la fin ! Il s’engage dans un dur combat au cours duquel il défend ses valeurs comme le patriotisme et veut montrer que le monde entier est coupable. Ses interventions sont souvent agressives, le meilleur exemple étant probablement celui du violent réquisitoire qu’il fait à un témoin victime de stérilisation (interprété par Clift), dont le témoignage est d’ailleurs très touchant. Toutefois, elles sont aussi argumentées et pleines d’exemples éloquents, souvent américains ou britanniques.


La diffusion d’images d’archive de ce qu’était la solution finale adoptée par les hauts dignitaires nazis en 1942, lors de la conférence de Wannsee, est vraiment une horreur pour le spectateur qui découvre l’atrocité des camps, avec des images inédites et d’une violence inqualifiable. Commentées par le colonel Lawson qui aurait participé à la libération des camps, ces images marquent un tournant dans la réflexion. C’est à partir de là que rentre en jeu la question de la culpabilité du peuple allemand. Que savaient-ils de ces choses ?



  • Une fin de délibération magistrale -


La dernière heure du film est certainement la plus intense pour ce qui est de la réflexion. L’enchaînement des prises de parole fait considérablement avancer la réflexion autour des questionnements posés.


S’opposent alors plusieurs points de vue : celui défendu par maître Rolfe et madame Berthold, qui estiment que le peuple allemand a été tenu dans l’ignorance des pratiques de la minorité idéologique nazie. Après plusieurs témoignages poignants, suivis de réponses toujours aussi agressives de la part de la défense, Ernst Janning finit par se lever et prendre la parole pour la première fois du procès. Après avoir remis ses actions sur le compte du patriotisme, il finit par reconnaître son entière responsabilité dans les crimes qui lui sont reprochés. Plus encore, il pense le peuple allemand coupable. Coupable d’avoir refusé de sortir de l’ignorance.


Dans sa dernière intervention du procès, Rolfe va plus loin. Pour lui, si le peuple allemand est coupable, le monde entier est coupable.


Dans une dernière tirade, le juge Haywood annonce le verdict. Les quatre accusés sont condamnés à la peine perpétuelle.



  • Un final en demi-teinte -


Après une dernière scène dans laquelle Haywood rend visite à Janning dans sa cellule, on apprend que la plupart des condamnés ont été libérés, ce qui nous laisse imaginer le sort de nos quatre intéressés.


Pour conclure, posant les premiers jalons d’une justice universelle prônée par le procès de Nuremberg, Jugement à Nuremberg vise avant tout à faire réfléchir le spectateur sur la justice et la culpabilité. De plus, l’engagement des acteurs dans leur rôle et la construction de Kramer en font un film intéressant qu’il faut voir au moins une fois dans sa vie.

Romain_12
8
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le 12 janv. 2022

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