Dans un futur horriblement kitsch où l'espace virtuel ressemble à la même chose depuis "le cobaye", Johnny est passeur de données. Cela signifie que, plutôt que de foutre ça sur une clé USB ou sur un cloud (bon, encore que, récemment, ça a prouvé ses failles), on met les informations dans la caboche du pauvre zouave et ensuite, on l'envoie courir la lande jusqu'au destinataire. Là, le monsieur les lui retire et paie Johnny. Ça, c'est ce qu'il se passe en temps normal, seulement voilà, Johnny a dépassé sa capacité mémorielle et vient de se faire charger le lobe temporal comme une mexicaine franchissant la frontière américaine. Autant dire que quand il pète, son cerveau fait des bulles. Il a 24h pour se faire siphonner le ciboulot, sans quoi son liquide céphalo-rachidien va lui déborder par les oreilles. Bizarrement, en tant que spectateur, c'est exactement ce qu'il risque d'arriver à vos petits neurones tout frétillants. Et tout comme l'équipe de tournage, a priori, vous aurez l'horreur de vous demander, "MAIS BON SANG MAIS QU'EST-CE QUE JE FOUS LA ?". Pas de soucis, cela ne va pas faire mal longtemps. Et pourtant, mince alors, c'est inspiré de Gibson, tout ce bazar !

Bouh, le film qui s'ouvre sur un cyberspace qui pique les yeux, mille fois bouh ! Le spectateur averti aura déjà arrêté de regarder, mais le vrai kamikaze du long-métrage, lui, se frottera les mains, sachant qu'une perle se profil à l'horizon. Et celui-là, il en aura pour son argent. Parce que "Johnny Mnemonic" cumule les erreurs. L'introduction était déjà un signe évident, mais la suite ne fait que conforter l'impression initiale : ça va faire mal. Mais n'allons pas trop vite. D'abord, discutons du choix assez discutable des acteurs. Ho, je vous vois venir, vous allez reprocher au métrage de mettre en avant Keanu Reeves. Mais moi, j'aime bien Keanu Reeves. Il n'est pas très bon acteur, certes, mais il a ce petit piquant qui me le rend sympathique. Entre "Johnny Mnemonic", "Matrix", "Speed" et "Point Break", quand même, il a une filmographie qui compte quelques bobines pas dégueus ! Et puis, tirer à boulets rouges sur Keanu, ce serait oublié qu'il y a Ice-T, par exemple, qui donne l'impression de s'endormir à chacune de ses répliques. On trouve aussi Dina Meyer, qui essaie bien de faire quelque chose, dans son rôle de Jane - mince alors, Jane, quoi, enfin, Molly ! Dolph Lundgren est aussi de la partie, jouant la carte du personnage lourdingue de prêtre assassin. On compte aussi, venu se perdre depuis son Japon natal, Takeshi Kitano, qui fait ses petits yeux, exprime la tristesse par l'absence d'émotions et semble partager la même weed qu'Ice-T. Soit, il s'ennuie ferme, soit il n'a pas bien compris le script et tente tant bien que mal de limiter la casse par une interprétation librement inspirée d'un Yoda sous tranxene. Finalement, et sans vouloir spoiler, je pense que le meilleur acteur reste l'autre mammifère Jones, dont la prestation est non seulement trop cool, mais en prime, le personnage a vraiment une classe folle !
J'ai déjà taclé dûment les effets de cyberspace - il le fallait - mais en fait, le mal est plus profond que ça. Ce n'est pas tant l'horrible façon de dépeindre le net qu'il faut châtier à tout prix, c'est surtout l'imbuvable design de tout. TOUT. Je reproche souvent aux films post-apo de faire appel à des stylistes pour habiller leurs "survivants", mais il faut aussi proposer un aller simple dans un incinérateur pour la plupart des gars qui conçoivent ces futurs proches du pauvre, avec ses pistobricolos tout plastique, ses terminologies à base de "censeur-psychique-mes-couilles" et autres interfaces top-hype (coucou la scène où un type est en train de "cracker un code" en regardant avec application... un oscilloscope !). Et le film en est plein. PLEIN. Je n'ai pas lu la nouvelle d'origine, mais j'aime énormément le pote Gibson et je ne sais pas s'il y avait déjà les Lo-Teks, des espèces de techno-chamans-cyber-sauveurs du peuple mais putain non. Putain. Non. Allez les gars, on se fait un futur dystopique sans putain de sauveurs du putain de peuple ? Surtout s'il s'agit de gaillards attifés de la sorte quoi. Des techno-chamans, sérieux. Enfin, l'ajout du film, le "paradis" (non mais sérieux, quoi), un pont où se situe le final du film, directement ponctionné à la trilogie "Virtual Light" de Gibson et qui pose la question suivante : si tu t'installes sur un pont désaffecté, pourquoi, au nom de tout ce qui est sacré sur Terre, pourquoi t'installer SOUS le pont ?!
Et pourtant, ben c'est pas terrible, mais c'est pas totalement un calvaire non plus. Alors certes, ça va de mal en pis, mais, par exemple, le premier tiers du film tient même presque la route. Vraiment, j'veux dire. Le personnage de Keanu, Johnny, est un parfait enfoiré, égoïste comme il se doit, avec son attitude de connard comme il sied à un personnage de cyberpunk. Cramé d'avance, avec son destin tracé jusqu'au mur, il sait que les gens de son genre ne laisse en guise de souvenir qu'une traînée de sang et quelques billets. A côté de lui, Jane est tout aussi antipathique, à n'attendre de lui qu'un paiement. Elle veut s'extraire de la fange dans laquelle ce monde l'a condamnée. J'aime bien ces personnages flingués, qui grillent leurs cartes d'un coup pour tout tenter. Et au début, le film tente de leur rendre hommage. En prime, il y a même des séquences plutôt jolies, comme par exemple l'arrivée de Johnny à l'hôtel de Pékin. Et pis y a Jones quoi, LE personnage WTF trop cool dont je me demande s'il était dans la nouvelle initiale. Si ce n'est pas le cas, c'est sans doute l'ajout le plus essentiel au film. "Johnny Mnemonic" ne serait pas le même sans Jones (même si le personnage est desservi par l'horrible effet micro-onde de sa super parabole... ouais, même une bonne idée, le métrage apprécie de la saper d'un effet kitsch !). Il y a aussi le plot sous-exploité au possible de Kitano et de l'intelligence artificielle qui aurait franchement mérité un poil plus de place histoire de tirer profit de la présence nébuleuse de Takeshi.

Voilà. Seul un public extrêmement averti et fan de cyberpunk et de roulade made in nineties pourra être appréciateur de cet étrange produit. Une véritable histoire de la vie, avec son début plutôt enthousiaste et ses désillusions progressives, jusqu'à sa conclusion complètement ras des pâquerettes. Je me surprends quand même à me demander ce qu'aurait donné ce film s'il avait été conçu après Matrix... peut-être aurait-il été meilleur. On ne le saura malheureusement jamais. Reste donc la pire séquence d'énervement de l'histoire du cinéma. Et l'horrible hacking en réalité virtuelle avec des cybergants pour menacer les cyberpéons en imitant la griffe du chat. C'est sûr, c'est pas pour le quidam moyen.
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le 1 oct. 2014

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