Jean-Christophe a grandi. Et les pages de sa jeunesse se tournent dans un prologue à mi-chemin entre le classique bouquin ouvrant les films Disney de l'âge d'or et celui de Là-Haut, en (beaucoup) plus démonstratif.


Jean-Christophe a quitté définitivement la forêt des rêves bleus. Son entrée au pensionnat, la perte de son père, la guerre, sa vie d'adulte, son travail... Winnie et ses chers amis sont bien loin aujourd'hui de sa vie désincarnée.


Et alors qu'il arpente à nouveau la forêt de son enfance, nimbée d'un gris triste et d'un brouillard tenace, une certaine mélancolie dépressive semble s'emparer du film et dire que Jean-Christophe a perdu tout cela vue. Le soleil de sa jeunesse, son arbre chéri, ses explorations et les après-midis goûters.


Marc Forster n'est finalement jamais très loin du Neverland qu'il avait livré il y a quatorze ans, déjà. L'ouvrage est toujours aussi solide, traversé parfois de drôles de sentiments contraires.


Cela paraîtra sans doute bien niais et idiot aux yeux des plus cyniques, qui vagiront certainement avant de tourner de l'oeil à la seule idée que des esprits faibles puissent encore de nos jours souscrire à la promo de la sous-culture US et du bonheur fascisant de connerie made in Disney... Laissons-les à leurs certitudes.


Car la magie de Jean-Christophe & Winnie opère, tout simplement. Car le spectateur adulte se surprendra plus d'une fois à sourire, à s'attendrir, à étouffer un rire devant les facéties de la bande à l'ourson bien léché et gourmand. Tout en renouant, comme l'invite le film, avec l'enfant qui n'est pas encore entravé, obligé, soumis par le monde des adultes et des choses importantes. L'irruption de Winnie dans la réalité londonienne posera quant à elle les questions les plus désarmantes sur les contraintes de l'existence, comme si elles traversaient l'esprit innocent d'un enfant, tandis que les péripéties drôlatiques s'enchaînent et font passer un agréable moment. Tout en mettant en scène un spleen que l'on ne connaissait pas dans l'univers de Winnie l'ourson.


La bande de copains de Jean-Christophe semble quant à elle douée de vie grâce à la magie sans limite des effets spéciaux, même si le design de l'ourson, au premier abord, peut décontenancer. Mais l'aspect vieille peluche essorée de la bande séduit malgré tout, se démarquant des couleurs vives qui ont bercé notre jeunesse, tout en sous-tendant tant la mélancolie de l'amitié contrariée que l'absurdité d'un monde que Winnie, des plus candides et innocents, ne comprend pas.


Oui, Jean-Christophe & Winnie ne sera pas le film de l'année, ni même du mois, car la morale un rien naïve dénouera le récit. Car la critique du capitalisme n'est que superficielle et la famille la valeur fondamentale. Mais tout cela n'arrivera à dissiper la bonne impression générale dont est irrigué Jean-Christophe & Winnie. Il n'y a qu'à voir les grands yeux noirs et tristes de l'ourson, ou encore ce moment de retrouvailles et de réconciliation entre ces deux là : les souvenirs de l'enfance ont beau être les plus doux et les plus beaux, mais la mélancolie est aussi là. Parce que cette enfance, à jamais, s'est enfuie.


Behind_the_Mask, du miel dans les oreilles.

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le 30 oct. 2018

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