Et si à trop vouloir privilégier l'esthétique au détriment de la cohérence et du scénario, Park Chan-Wook en était venu à concocter un métrage à l'odeur alléchante mais au goût fadasse.
Recollons les morceaux ensemble.
Visuel savoureux, goulasch scénaristique et flan fade.



Visuel savoureux.



À l'image on reconnaît là le talent d'un Wook qui nous cuisine de délicieux moments de folie esthétisée, d'imagination débridée à l'intérieur de cet asile de dingos. C'est ici que réside le sel de cette bobine qui mêle des influences de grands chefs – comment ne pas y voir un côté Miloš Forman  allié à cet imaginaire coréen complètement maboul ?
Cette plongée au cœur d'un asile dans lequel Lim Soo-Jung (déjà connue pour Deux Sœurs) se retrouve enfermée est prétexte à tous les débordements, la jeune fille se prenant pour un cyborg chargé de tuer les blancos, les médecins et infirmières. Cherchant à se recharger tout en tapant la causette avec les néons et autres machines, Wook met en images ses illusions, prétexte pour des scènes de mitraillage en règle façon Terminator, des rétrécissements intempestifs et autres folies qui rendent magnifiquement bien à l'écran. Wook étant ce qu'il est, il imprime sa marque et son esthétique en magnifiant l'asile qui devient terrain de toutes les expérimentations, des voyages oniriques les plus fous et des aventures délurées. Sans jamais se laisser emprisonner dans son propre style, Wook multiplie les recherches artistiques au service de scènes absurdes et le rendu est magnifique, magistralement soutenu par une bande-son aux petits oignons.



Goulasch scénaristique.



Labellisé comédie romantique, Je suis un cyborg devient rapidement un immense gloubi-boulga scénaristique où la cohérence importe peu, bien moins que la recherche esthétique. La jeune fille se prenant pour un cyborg rencontre une galerie de personnages loufoques qui sont autant de moyens de passer une idée de mise en scène. Allant du type poli qui marche à reculons au voleur masqué en passant par l'énorme ogresse dont le délire est de voler (dans les airs), toute logique commence rapidement à se faire la malle et le spectateur peine alors à trouver un but quelconque à la bobine de Park Chan-wook. Le seul fil rouge restant sera alors l'histoire d'amour entre notre couple de fous star, le voleur de personnalités masqué qui dérobe les traits de caractère des gens et la cyborg qui refuse de s'alimenter et devient de plus en plus faible, persuadée qu'une bonne décharge électrique la rendra plus forte et lui permettra de tuer tout le monde. La romance est mignonne mais noyée dans le n'importe quoi ambiant.



Flan fade.



Les acteurs, relativement méconnus – le premier rôle masculin est un chanteur – sont bons et bien dirigés. Esthétiquement, le film est convaincant et recherche constamment la folie et emporte par ses réussites visuelles magistrales. Mais le foisonnement de scènes absurdes peine à convaincre un spectateur qui finit par se lasser.
Si, prise individuellement, les scènes sont drôles et chiadées, l'ensemble devient rapidement assez fade et ennuyant. Dans sa constante démence le film peine à convaincre malgré toutes ses bonnes idées et c'est dommage tant les ingrédients sont bons. Il en reste comme un vent de folie, un brin d'exotisme, mais le tout noyé par l'absence de but, de direction précise, le trop-plein de scènes qui se répètent. Et malgré toutes ses bonnes idées, Park Chan-wook fournit là un travail mineur, une sympathique recherche esthétique sans souffle, sans grandeur. Si la curiosité vous y pousse allez-y, l'utilisation des images de synthèse et la recherche esthétique en font une œuvre à voir. N'espérez pas y trouver plus.

Petitbarbu
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le 1 sept. 2015

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Petitbarbu

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