Rares sont les productions venant du continent africain à nous parvenir mais il ne faut pas oublier que le Maghreb et l’Afrique du Sud ont tout de même une industrie du cinéma florissante. Pour ce dernier pays on se souvient surtout de « Mon nom est Tsotsi » sur la délinquance dans les bidonvilles, de « District 9 », le film de science-fiction malin qui a révélé Neil Bloomkamp, et de pas mal de productions ayant trait de près ou de loin à Nelson Mandela et l’Apartheid. De voir débarquer ce thriller musclé qu’est « Je suis toutes les filles » est une bonne nouvelle et la preuve de la vitalité d’un cinéma des antipodes pouvant se mesurer aux plus grands. En effet, à tous niveaux, cette œuvre surprenante n’a rien à envier aux meilleurs des films policiers américains ou coréens (la nouvelle référence en la matière).
Le sujet de la traite des femmes et notamment des mineures, que ce soit pour de la pédocriminalité ou de l’esclavage comme ici, ou même pour le trafic d’organes ou la servitude sexuelle est un sujet tabou et rare. Ce film le fond habilement et intelligemment dans l’enveloppe d’un thriller avec meurtrier. On est à la frontière entre le polar classique et le revenge movie, et c’est haletant et sombre du début à la fin. La mise en scène de Donovan Marsh (passé par Hollywood avec le film de sous-marin « Hunter Killer »), à la fois ample dans des plans larges très hollywoodiens de toute beauté et nerveuse dans certaines séquences d’action, est en tous points impeccable et digne des plus grands. Elle n’est pas forcément originale mais tout à fait adaptée à cette histoire mêlant contexte politique et social fort et suspense au cordeau.
Cependant, l’identité du tueur est bien trop vite dévoilée ce qui enlève un peu de mystère à « Je suis toutes les filles ». De plus, dans la seconde partie, le scénario apparaît paradoxalement trop évident, linéaire et attendu mais aussi un peu nébuleux. Des personnages un peu plus approfondis, notamment l’héroïne, et des détails plus creusés sur la traite humaine dont sont victimes les populations noires auraient été bienvenus. On sent la volonté de montrer les stigmates de l’apartheid toujours présents trente ans après mais c’est trop suggéré et pas assez développé. Il n’en demeure pas moins que ce thriller choc, qui fait penser à l’affaire Dutroux au vu des personnes impliquées, est prenant de bout en bout et sans concessions. De l’action, de la tension, un sujet fort et un peu d’émotion dans un pays peu vu au cinéma. A découvrir.
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