Le procédé est un peu lourd et ostensible, mais il parvient malgré tout à ses fins chez moi. En adaptant sa propre pièce au travers du scénario de "I Never Sang For My Father", Robert Anderson parvient à dépeindre une relation complexe entre un vieil homme et son fils qui délivre ses injections de mélodrame familial à intervalles réguliers, sous l'œil appliqué de Gilbert Cates dont la caméra essaie tant bien que mal de nous faire oublier la parenté avec le format théâtral. Une poignée de personnages seulement, et un rapport filial qui se dessine sans cesse un peu plus précisément, à chaque échange entre les deux correspond un nouveau petit coup de pinceau, établissant le portrait d'un homme sous l'emprise de son père, à la fois troublé par son invalidité grandissante et affecté par son acrimonie bien constante.


Si les rôles féminins gravitent autour du duo principal, avec la mère, la sœur, la nouvelle femme, c'est résolument Melvyn Douglas et Gene Hackman qui occupent l'essentiel du champ. Encore une fois, on le voit venir de loin, le petit pamphlet sur l'asservissement du fils, l'amertume du père, et l'incommunicabilité permanente entre les deux qui résiste à toutes les tentatives des uns et des autres. Il y a même un côté très conventionnel, un peu conservateur, dans la panoplie de sentiments exprimés par le fils (le sens du devoir) ou le père (sa conception de ce que doit être un homme), là où les signes d'amour restent très épars. Mais le film illustre malgré tout des états psychologiques assez fouillés, résultats d'un réseau de contraintes qui se sont tissées sur le temps long, laissant éclater de temps en temps des colères qui révèlent des pans entiers de leurs rapports — par exemple, on voit bien s'exprimer le côté tendre et maternel du patriarche quand tout va bien, mais au moindre signe de comportement qui lui déplaît (une forme de désobéissance par exemple), il se transforme en un monstre aigri, têtu, et hautement méprisant. À l'inverse, le personnage de Hackman démontre une grande capacité d'intériorisation, on sent qu'il en a bavé pendant des années et des années, ce qui ne l'empêchera pas d'exploser à la fin du film, pour terminer sur une note amère et mélancolique assez abrupte. Un exemple typique des limitations du film, qui aurait pu se faire beaucoup plus émouvant.

Morrinson
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le 1 avr. 2024

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